Avoir eu à manager 2 réseaux à l’international et des équipes de quelques milliers de collaborateurs, inspire quelques réflexions de progrès en rentrant de cette COP 28.
1- Pourquoi?
Ceux qui disent qu’une COP ne sert à rien n’ont sans doute pas compris l’accord de Paris , ni appris certains leviers essentiels de management:
- le protocole de Kyoto, prolongé à Doha, a testé la méthode des objectifs impératifs assortis de sanction pour les pays qui ne les respectaient pas. Ce fut un échec tant en terme de résultats que d’adhésion des pays. On sort toujours d’un traité avant d être frappé par la honte et les sanctions…
- L’accord de Paris, qui l’a remplacé prévoit des objectifs non contraignants et table sur la pression réputationnelle du reste du monde pour forcer à la vertu. Que cela plaise ou pas, le système actuel est meilleur puisque les nations ne sortent plus, à l’aller retour des USA près, de l’accord de Paris .
- Sans les COP ce dispositif est mort, elles sont donc indispensables.
2- Quoi?
Une COP propose des dimensions hard et soft globalement appréciables :
Le Hard:
- Des bilans des réalisations écoulées: rapports scientifiques sur le climat et les émissions, bilans mondiaux (tous les 5 ans),
- Une vision et des engagements dans des domaines ciblés (méthane, alimentation, aide à l’atténuation, à l’adaptation, fonds divers…)
- Des propositions de dispositifs pour élaborer des feuilles de route plus détaillées (Race to zero, GFANZ, etc…)
- Le challenge des positions les plus conservatrices, source de progrès pour ceux qui s’enferment le plus…
Mais le Soft est, comme d’habitude, le plus important dans ce genre de rencontres:
- Immersion et focalisation durant 1 à 2 semaines d’équipes Climat entières de chaque pays,
- Découverte de celles d’autres pays et intenses activités de négociation fédératrices,
- Inspiration par les rencontres avec les grands leaders de la cause climatique, pays ou ambassadeurs.
Les objectifs de ces COP sont donc incontestables.
3- Qui?
Avant la COP,
Visiblement, les travaux du secrétariat de l’UNFCCC préalables à chaque COP sont sérieusement structurés.
Le niveau de contribution est évidemment variable selon les pays et surtout les relations géopolitiques. Pire qu’en ce moment serait difficile. Mais la qualité des relations entre 2 hommes (XIe Zhenhua et John Kerry) a, heureusement, produit un terreau favorable à cette COP 28.
Pendant la COP, il faut y assister pour réaliser le grand cirque que cela devient!
La Zone Verte, périphérique à la Zone Bleue qui est le cœur des négociations, est une grande foire : tous ceux pour qui le Climat est un business ouvrent leurs étals pour vendre leurs salades… consultants au premier chef, mais aussi industriels et tous ceux prétendant avoir une communication à faire sur le climat. C’est à dire tout le monde. Bref les COP ont leurs marchands du temple, et là, on a un sérieux problème de cohérence: un grand salon mondial annuel alors qu’on doit montrer l’exemple de la décarbonation?
La Zone Bleue est donc réservée aux seuls pays négociateurs, à leurs invités, ainsi qu’aux ONG admises par l’ONU. Dont les Ateliers du Futur bien sûr!
L’expérience montre que ce filtrage est efficace, permettant à la fois la sérénité des négociations et une liberté d’expression des ONG, histoire de ne pas oublier les fondamentaux…
Certains politiques et ONG n’échappent pas à la tentation de faire la roue devant des journalistes assoiffés par de longues journées d‘attente, la routine …
4- Quand?
Nous sommes dans une urgence climatique comme jamais l’humanité n’en a connues. Nous avons 24 trimestres pour réaliser, dans tous les pays, des révolutions inédites depuis 150 ans.
Tous les grands groupes mondiaux mènent des revues sur leurs résultats du trimestre et les perspectives du suivant.
Peut on vraiment se permettre un rythme annuel pour ces COP, réunions critiques de coordination mondiales?
Mon sentiment est que ce mode est dépassé par l’urgence: Toute crise exige un management de crise, idéalement le mode task force:
- Une équipe projet ramassée
- Des objectifs limités,
- Un calendrier ambitieux,
- Une gouvernance puissante en support!
5 Comment?
Même si les contraintes juridiques sont fortes sur notre gouvernance mondiale, et peut être justement à cause de cela, une gestion de crise est probablement celle qui nous donnerait le maximum de chance de gravir notre chemin de crête.
Derrière une task force à rythme de reporting mensuelle, une gouvernance mondiale ramassée mais puissante de type G7 ou G20 doit être en mesure de pré-arbitrer et de préparer en séance pleinière mondiale des validations plus larges.
Un rythme au moins trimestriel ou semestriel de ces pleinières, les mêmes COP serait plus adapté pour
- Partager les résultats récents et idéalement les réussites,
- Mettre les moins bon élèves sous pression,
- Envisager davantage d’ambitions d’atténuations…
Accessoirement, un reporting semestriel puis trimestriel des émissions serait plus adapté à notre défi!
Évidemment cela suppose d’alléger l’équipage des COP et surtout la cohorte de marchands qui s’y greffent!
Conclusion (De l’auteur Thierry Langreney et qui n’engage pas les Ateliers du Futur):
On ne conduit pas
- Une révolution universelle comme celle que nous avons à conduire,
- A une échelle mondiale
- Dans un calendrier aussi serré
En adoptant un mode de pilotage de paquebot de croisière.
Il nous faut accélérer le rythme des plans, réalisations et du reporting, pour injecter un momentum adapté à l’urgence et à l’importance du sujet climatique.
Sinon cela s’appelle le Titanic…