Une première en Europe montre l’extrémité à laquelle même un état libéral peut être conduit: Socialiser le coût de la transition écologique à la place d’un secteur incapable de le supporter.

Le 20 décembre 2019, la Court Suprême des Pays-Bas a validé le jugement de juin 2015 d’un tribunal du pays qui avait condamné l’Etat néerlandais à réduire de 25% ses émissions de GES en 2020 par rapport au niveau de 1990. 

La même année, le Conseil d’Etat des Pays-Bas avait invalidé une disposition “PAS” qui autorisait les agriculteurs à agrandir ou opérer de nouvelles exploitations émettrices d’azote, issu notamment des engrais et de la décomposition du lisier, après une simple déclaration administrative. Le Conseil d’Etat avait jugé cette disposition contraire aux règles européennes de protection de la nature.

Le protoxyde d’azote (N2O ou gaz hilarant – mais il n’y a pas de quoi en rire) est le 3ème gaz à effet de serre par ordre d’impact sur notre climat. Il est 1240 fois moins présent que le CO2 dans l’atmosphère et nous n’en émettons « que » 12m de tonnes par an, au niveau mondial. Mais c’est un gaz à effet de serre 300 fois plus élevé que celui du CO2.

Un tiers du N2O de l’atmosphère provient de l’agriculture, du fait de l’épandage du lisier et des engrais azotés: L’excès d’azote non consommé par les prairies ou cultures est métabolisé par des bactéries qui produisent ledit gaz.

Le GIEC lui impute donc 0,1°C sur les 1,1°C de réchauffement net depuis 1850 (ou sur les +1,5°C avant refroidissement lié aux aérosols anthropiques). Depuis 1980 les émissions de ce gaz suivent une tendance haussière largement due à l’expansion et l’intensification de l’agriculture selon l’AR6 du GIEC.

Compte tenu de sa place dans l’économie néerlandaise, l’agriculture représente une part significative des émissions du plat pays.

Les 4 millions de bovins et 12 millions de porcs émettent des volumes très importants d’excréments azotés qui polluent en outre les eaux des nappes phréatiques et rivières et méritent donc d’être sérieusement neutralisés.

En juin dernier, le pays annonçait donc un vaste plan de transformation de cette activité, accompagné d’un financement de plusieurs millards d’euros. Les rejets d’azote de l’agriculture doivent baisser de 70% dans 131 zones. Les 12 provinces du pays région étaient appelées à proposer un plan de transition. 

Immédiatement, le secteur de l’élevage a sorti les fourches et conduit ses tracteurs et vaches à la capitale pour protester contre cette condamnation économique d’un secteur déjà lourdement challengé par le marché et les caprices de la météo, de plus en plus mordants, dont les sécheresses bien sur. 

Malgré de multiples discussions, la fronde n’est pas retombée.

Le gouvernement néerlandais en a pragmatiquement tiré les conséquences: le 25 novembre dernier, Christianne van der Wal-Zeggelink, ministre de la Nature et de l’Azote des Pays-Bas, a indiqué au parlement néerlandais que le gouvernement réservait 24,3 milliards d’euros pour racheter des exploitations agricoles afin de neutraliser leurs émissions de produits azotés.

S’il est mis en œuvre, ce plan conduira à réduire d’un tiers le cheptel bovin des Pays-Bas en 8 ans.

Le gouvernement parait déterminé. Les options de vente, volontaires, s’ouvriront à compter d’avril 2023. Si à l’automne les ventes volontaires s’avéraient insuffisamment nombreuses, il annonce que des expropriations seront nécessaires…

Cette (quasi) conclusion montre bien comment la solidarité nationale doit s’exercer pour régler les couts de décarbonation de certains pans de nos activités, celles n’ayant pas le pouvoir-faire et donc encore moins le vouloir-faire du fait de son stress économique global.