La fondation IFRS a toujours agi, ce qui l’honore, au service de ses parties prenantes, les utilisateurs des publications des entreprises: actionnaires, gestionnaires d’actifs, assureurs, fonds de pensions, institutions de retraite et banquiers. 

Poussée à labourer le champ extra-financier, la Fondation IFRS a donc demandé à ses «Clients» : de quel reporting extra financier avez vous précisément besoin?

Une première recommandation avait été faite en amont par la TCFD, task force missionnée par le Financial Stability Board et présidée par Michael Bloomberg. La réponse de 2017: « Ce qui a de l’importance pour l’investisseur est ce qui impacte la valeur des entreprises ». Au premier chef donc, les risques et opportunités liés au climat pouvant impacter croissance et résultats futurs

Ce domaine est inédit pour l’IFRS: Eclairer non plus les performances d’un passé par définition stabilisé (sauf actif ou passif long), mais les aléas (risques et opportunités) qui pourraient influencer le business futur!

Autant regarder un passé statique est simple, autant éclairer un avenir aléatoire est challenging. 

La fondation IFRS est donc confrontée à un problème bien connu des assureurs et banquiers:  Quel modèle inventer pour caractériser ces risques et opportunités à long terme? 

Devant la difficulté, la TCFD a capitulé: elle recommande de laisser chaque entreprise faire son auto-évaluation de ses risques et opportunités liés au Climat!

Le risque de cette approche très « business friendly » est avéré: C’est le risque d’obsolescence précoce d’une approche simpliste, voire laxiste, en concurrence avec celles d’autres acteurs très légitimes pour contrôler les risques des entreprises dans leurs  interactions avec le Climat et plus exigeants:

  • les ONG comme les Ateliers du Futur considèrent que le bât blesse doublement: l’auto-évaluation par les entreprises de ces risques est forcément imparfaite et biaisée. Surtout, l’impact de l’entreprise sur le Climat est au moins aussi important pour l’Humanité et aboutira immanquablement à des boucles de rétroaction sur les pollueurs laxistes, 
  • Les États et juridictions régionales comme l’Union Européenne ont décidé que l’urgence climatique ne permet plus d’attendre l’adoption progressive des meilleures pratiques par les seules forces du marché. La CSRD annonce elle aussi un reporting plus cadré, en ligne avec les attentes des ADF,
  • Les régulateurs et superviseurs ont pour mission première de protéger les institutions financières et leurs clients. Depuis Basle 2 et Solvabilité 2, leur exigences de capital minimum ne sont plus forfaitaires mais « risk based ». L’évaluation des risques de ces entités liés au climat, risques de crédit, financiers de contrepartie ou d’assurance, est un domaine de préoccupation ancien pour les assureurs, plus récent pour les banquiers, toujours plus prégnant. Leur approche est basée sur des modèles de type stress test ou stochastique autrement plus intrusifs!

En témoigne le dernier rapport du Comité de Basle ( https://www.bis.org/bcbs/publ/d532.pdf ) qui rappelle très simplement:

« It is recognised that climate-related financial risks will probably be incorporated into banks’ internal capital and liquidity adequacy assessments iteratively and progressively, as the methodologies and data used to analyse these risks continue to mature over time and analytical gaps are addressed«.

L’ISS Board est donc entouré de nombreux concurrents sur le terrain des normes concernant les risques et opportunités futures liées au Climat.

Si son risque est d’être insuffisamment ambitieuse, il a aussi une opportunité: Se différencier par un niveau d’exigence qui anticipe les attentes de ses parties prenantes à horizon 2/3 ans !

Si beaucoup de demandes actuelles restent encore floues et largement rétrospectives (SFDR, taxonomie européenne), il est clair que la demande va vers plus de clarification des trajectoires de décarbonation.

Une telle différenciation peut passer par

  • l’abandon d’un self-assesment promis à une rapide obsolescence,
  • L’exigence des caractéristiques précises d’une trajectoire de decarbonation fiabilisée: objectifs quantifiés et calendarisés, plan d’actions, financement et gouvernance.

Certes les plans de transition éventuels font partie des demandes actuelles du projet de norme S2, mais aucune structure prédéfinie ne les encadre. Par ailleurs l’absence d’un tel plan au sein de l’entreprise supprime toute obligation de publication! Or la TCFD a reconnu dans son rapport de 2021 que seules 25% des entreprises déclarent publier leurs risques de transition.

Nous partageons tous sur cette planète le défi de supprimer 30 gigatonnes d’équivalent CO2 d’émissions annuelles à horizon 2030.

Alors souhaitons beaucoup de discernement et d’indépendance à l’ISS Board. La valeur de son livrable dépendra de ses valeurs!