Dans le cadre de notre revue quadrimestrielle des 5 domaines clé pour le Climat (événements extrêmes, émissions, technologies vertes, politiques publiques et financement), nous abordons le volet Atmosphérique dans cet article.

Températures : Que retenir de l’année 2023 et plus largement de leur évolution sur ces dernières années ? 

Pour 2023, il faut retenir 4 faits marquants au plan des températures :

🚨 En premier lieu, chaque mois de l’année 2023 a été le plus élevé jamais enregistré.

🚨 En second lieu, la hausse des températures moyennes en 2023 par rapport à la période pré-industrielle (1850-1900) est estimée à environ 1,43 [entre 1.32 et 1.53] degré Celsius , soit l’anomalie de température la plus élevée jamais enregistrée. Si on enlève la variabilité naturelle du climat avec le phénomène El Nino, on peut dire que le réchauffement attribuable à l’activité humaine a atteint 1,31 [entre 1.1 et 1.7] degré Celsius.

🚨 L’évolution du climat s’apprécie en moyenne sur plusieurs décennies, pour lisser la volatilité naturelle. Il est donc nécessaire de mettre l’année 2023 en perspective: Ainsi, sur la décennie 2014-2023, la hausse de la moyenne des températures liée à l’activité humaine a déjà atteint 1,19 [1.6 à 1.30] degré par rapport à l’ère préindustrielle

Soit une nette augmentation par rapport à la décennie 2010-2019 pour laquelle le réchauffement global par rapport à la période préindustrielle a été évalué à 1,07 [0.8 à 1.3]°C dans le sixième rapport du GIEC (https://www.ipcc.ch/report/ar6/syr/downloads/report/IPCC_AR6_SYR_SPM.pdf).

🚨 En synthèse, chaque décade est plus chaude que la précédente. Entre 2014 et 2023, la vitesse du réchauffement a atteint 0,26 [0.2 à 0.4]°C par décennie, contre 0,18 par décennie entre 1970 et 2010.

On se rapproche dangereusement du seuil des 1,5 degré de l’Accord de Paris. 

Evènements extrêmes: Le GIEC a démontré scientifiquement l’impact du réchauffement climatique sur leur fréquence et leur intensité. Quel bilan tire-t-on en 2023 ?

2023 fut une année lourde en événements climatiques extrêmes sur tous les continents: Près de 400 événements extrêmes ont été répertoriés soit +8% par rapport à la moyenne des 20 dernières années. 

De plus, ces catastrophes naturelles ont été inédites par leur ampleur. A titre d’exemple, on peut citer, la tempête Daniel qui a touché l’Europe du sud et l’Afrique du Nord pendant plusieurs jours en septembre, expliquée par les températures élevées de la Méditerranée. Les pluies torrentielles ont notamment causé des milliers de morts en Libye. 

On peut citer aussi l’ouragan Otis de catégorie 5 avec des vents à 270 km/h et qui a détruit la ville balnéaire mexicaine d’Acapulco.

On a aussi observé des canicules extrêmes et répétées, notamment en Europe avec une température record observée en Italie de 48 degrés en juillet.

La liste est malheureusement longue des destructions et des vies humaines emportées.

Le coût économique de ces catastrophes naturelles climatiques ne cesse de croître.  Sur la décennie 2010/2019 on estime le coût moyen annuel à 150 milliards de dollars soit 8 fois plus que sur la décennie 1970/1979, ajusté de l’inflation. Si on zoome sur le coût des catastrophes naturelles assurées, selon Swiss Ré, on observe sur les 20 dernières années un coût moyen annuel de 100 milliards de dollars devient progressivement la norme avec une croissance régulière de 5 à 7% par an.

Cout total annuel des sinistres climatiques assurés 1994-2023 (USD Milliards, prix 2023 et nombre d’évènements par année)

Qu’en est-il de 2024 et des projections à moyen terme?

L’année 2024 démarre à nouveau sous de mauvais auspices:

Un nouveau record historique de température a été battu ce lundi 22 juillet qui devient le jour le plus chaud de l’histoire, avec une moyenne mondiale de 17,15 °C (Source : Copernicus).

🚨 De juillet 2023 à juin 2024, la hausse de la température moyenne mondiale est la plus élevée jamais enregistrée à +1,64 degré au-dessus de la moyenne préindustrielle de 1850-1900 (Copernicus).

🚨Une récente étude réalisée par un consortium de chercheurs de renommée internationale et anticipant le prochain cycle du GIEC attendu pour 2027, montre que le réchauffement climatique causé par l’homme s’accélère et atteint un rythme sans précédent  (source : Forster et al., 2023, https://doi.org/10.5194/essd-16-2625-2024) 

🚨Selon l’Organisation Météorologique Mondiale, il est probable à 80% que la température moyenne annuelle du globe dépasse de plus de 1,5 degré les niveaux préindustriels pendant au moins l’une des cinq prochaines années. Il s’agit d’un avertissement sévère.

Grace aux rapports du GIEC, nous savons que si nous dépassons le seuil des 1,5 degrés, nous programmons plus de jours de canicule, plus de sécheresses et plus de précipitations. C’est déjà le cas pour ce début 2024, avec un cortège de canicules exceptionnelles (Mexique, Chine, Arabie Saoudite, Inde, Europe du sud……), des inondations spectaculaires en péninsule arabique (on se souvient des images impressionnantes sur Dubaï), un grand nombre de tornades aux USA.  

🚨 Nous sommes donc à la croisée des chemins! C’est maintenant que nous écrivons le Futur, entre le scenario de limitation du réchauffement et le scénario d’envolée des températures.

Pour préserver le Futur en relevant le défi de l’urgence climatique, il est essentiel de réduire de manière massive et immédiate nos émissions de gaz à effet de serre. 

Par ailleurs, il est important de poursuivre les investissements dans la recherche pour mieux comprendre les phénomènes en jeu dans le changement climatique actuel, sa variabilité, les éventuels points de bascule et l’état des puits de carbone océaniques et terrestres. La climatologie est une science complexe qui s’appuie sur de nombreuses disciplines tel que les mathématiques, la physique, l’astronomie etc.  Elle a énormément progressé au cours des dernières années notamment en matière de modélisation. L’IA, qui permet de traiter un nombre considérable de données en un temps record, de les interpréter en identifiant finement les corrélations entre les variables climatiques et donc d’affiner les scenarii, est un levier majeure.  

Parmi les domaines encore mal compris figurent l’impact du déséquilibre énergétique croissant de la terre sur le climat à long terme. Ainsi, en 2023, on a observé une forte hausse du niveau d’absorption du rayonnement solaire par la terre. Les interactions entre les nuages et les aérosols, le rôle du phytoplancton sont des domaines actuels de recherche.

Ces constats militent pour un renforcement des investissements dans la collecte et le traitement des données, dans la modélisation climatique et dans les causes et les conséquences du récent déséquilibre énergétique de la Terre.