En moyenne, moins d’une dizaine de kilos de lithium sont présents dans chaque batterie automobile. L’adoption accélérée des véhicules électriques et le besoin de stockage statique à l’échelle mondiale devraient multiplier par 40 la demande mondiale de ce métal léger entre 2020 et 2040, selon l’Agence Internationale de l’Énergie.

L’explosion des prix du Lithium, passé en quelques années de 20$ le Kg à près de 80$ le Kg en 2022, révèle une belle anticipation de déséquilibre entre la demande et une offre concentrée sur l’Australie, le triangle du Lithium (Bolivie, Chili, Argentine) et la Chine.

Cette intuition pessimiste sera peut-être détrompée, car la sur-inflation a, comme d’habitude, généré des sur-investissements en 2022 à la fois:

  • du coté de l’offre avec de nouvelles ouvertures de mines de Lithium, mais aussi de nouveaux procédés de traitement. Ainsi la DLE – Direct Lithium Extraction – est un nouveau procédé chimique qui permet de rehausser de 50% l’extraction de Lithium depuis la saumure géothermique où il se loge. Tous les pays concernés par cette source devraient donc en bénéficier,
  • du coté de la demande, pour développer de nouvelles batteries qui s’exonèrent totalement ou partiellement de ce métal critique, au profit d’une ressource abondante: le Sodium!

2023 voit se concrétiser les promesses de 2022, avec de 1ères réalisations commerciales de batteries Sodium-Ion prometteuses:

De CATL – Contemporary Amperex Technology:

  • Le 29 juillet dernier, le Dr. Robin Zeng lui même, fondateur et co-actionnaire du 1er constructeur mondial de batteries, le chinois CATL, venait en personne annoncer, lors de son show en ligne “Tech Zone”, le lancement commercial des batteries Sodium-Ion et leur production à grande échelle en 2023,
  • Le 16 avril 2023, CATL confirmait la production industrielle de ses batteries Sodium-Ion que le chinois Chery va pouvoir inclure dans ses véhicules électriques dès 2023.

Du constructeur chinois JAC qui présentait, le 23 février, son tout premier modèle commercial de véhicule alimenté par des batteries au Sodium, développées par Hyna Batteries, un concurrent de CATL.

Selon CATL et Natron, la batterie Sodium-Ion présente plusieurs avantages ainsi résumés:

  • Souveraineté: Ces batteries ne nécessitent aucun sourcing de Lithium, ni de cobalt, de graphite ou de cuivre,
  • Un sourcing plus respectueux de l’environnement,
  • Un meilleur fonctionnement à basse température,
  • Une plus grande sécurité: Un moindre risque d’échauffement, voire d’embrasement, une décharge complète possible pour le transport,
  • Une charge rapide de 80% en 15 mn à température courante,
  • Une plus longue durée de vie:

Mais sa limite majeure, inévitable à long terme car liée au poids supérieur des ions Sodium et à leur potentiel électrique, est sa densité énergétique qui sera durablement 30% inférieure à celle du Lithium. La première batterie Sodium-Ion de CATL affiche ainsi une densité de 160Wh/kg contre plus de 200Wh/kg pour celles au Lithium. Mais grâce à son armée forte de 5000 ingénieurs, CATL promet que la prochaine génération devrait atteindre 200Wh/kg.

D’où la présentation simultanée par CATL d’une solution hybride associant des blocs de batteries au Lithium et au Sodium, les AB Packs.

Le marché qui s’ouvre pour ces batteries de nouvelle génération est considérable, c’est celui où le critère prix dépasse le critère densité énergétique, en l’occurence:

  • Les petits véhicules électriques, notamment à 2 et 3 roues,
  • Les mini véhicules urbains, type AMI
  • Les batteries résidentielles,
  • Les batteries de stockage pour stabiliser le réseau et pallier l’intermittences des énergies renouvelables sur la journée,
  • Les batteries de stockage en installations industrielles

Une véritable révolution est donc en marche. Où sont les autres acteurs dans le monde?

  • Faradion, start up anglaise, a été rachetée par le groupe indien Reliance fin 2021. Sa technologie devrait être utilisée pour les giga factories de ce conglomérat,
  • le 30 janvier dernier, le sénateur Joe Manchin et plusieurs collègues toutes tendances confondues adressait une lettre au ministre US de l’énergie l’exhortant à investir vite et massivement dans les nouvelles solutions de stockage énergétiques souveraines
  • Natron Energy, basée en Silicon Valley, fournit déjà United Airlines et Chevron. La société américaine a annoncé un rapprochement avec le fabricant américain de batteries Clarios pour industrialiser la production de ces batteries de nouvelle génération en 2023. United Airline a décidé d’entrer au capital de Natron.
  • Au Japon, NGK, spécialisée dans les céramiques, développe des solutions de stockage de grande puissance à base de sodium.

Et la France dans tout cela? Ce 10 janvier 2023, le programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) « Soutenir l’innovation pour développer les futures générations de batteries » a été lancé. Doté d’un budget de 45,66 millions d’euros de “France 2030” sur 7 ans, ce PEPR finance depuis début janvier cinq grands projets, pilotés par le CEA Liten et le CNRS. Parmi eux, Le projet HIPOHYBAT a pour objectifs de développer deux technologies de batteries de forte densité de puissance dont celle de la batterie Sodium-Ion.

La souveraineté est donc en train de basculer du terrain géographique des mines d’extraction à celle de la maitrise des nouvelles technologies vertes. la qualité des ingénieurs du CEA Liten rend évidemment confiant dans notre capacité à rattraper le retard. Mais quel dommage d’avoir laissé une parenthèse de 8 ans depuis la 1ere réalisation d’une batterie Sodium-Ion par le CEA et le CNRS en 2015!

Le Dr. Robin Zeng, dont la fortune à 53 ans vient de dépasser celle de Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, à 49,5 $Bn, a bien vu le futur, lui! Ceci est sans doute lié à cela… mais pour garder sa part du marché mondial à 32%, il est juste indispensable de continuer!