La COP 29 de Bakou pouvait difficilement se tenir dans de pires conditions:

  • Election d’un Président climatosceptique aux USA,
  • Tensions géopolitiques extrêmes USA-Chine, Russie-Occident, Azerbaïdjan-France,
  • Pays d’accueil fortement producteur d’énergies fossiles,
  • Sujet central du financement percuté par l’inflation qui attaque les budgets des états et des ménages,
  • Revendications inédites des nations en développement, de plus en plus exposées et les plus vulnérables…

Sous la houlette d’une présidence inexpérimentée aux négociations internationales et sous la pression de forces contradictoires, la crise prévisible est survenue: L’échec de la COP était annoncé.

De toute crise jaillit un progrès. Celle ci ne fait pas exception à plusieurs titres:

  1. La clarification des positions, toujours souhaitable, est apparue:
    • Les USA en retrait (John Podesta assurant toutefois que l’engagement des USA pour le climat resterait soutenu par les Etats),
    • l’Arabie saoudite en combat contre la transition hors des énergies fossiles,
    • L’UNFCCC en leader. Simon Stiell, secrétaire général de l’UNFCCC, à qui nous avions lancé notre appel à l’action avant cette COP, n’a pas ménagé sa peine en effet pour embarquer le plus large nombre de parties et de nations en développement dans un deal commun,
    • L’Europe aux avant-postes, avec son négociateur incisif Wopke Hoekstra. C’est l’UE en effet qui, devant la défaillance visible de la présidence Azerbaïdjan, a repris les rennes des négociations en off.
    • La Chine en renfort discret, mais bienveillant. On a ainsi vu ses représentants « vendre » le coté positif de l’accord aux nations les plus déçues en montrant les avantages d’un mauvais accord par rapport à une absence totale de « deal ».

Ces 3 derniers éléments permettent de distinguer les alliances motrices de demain. Nous appelions de nos voeux le rapprochement entre l’Europe et la Chine dans ce domaine spécifique, il est bien en train de se concrétiser.

2. Les forces centrifuges, maximales, ont été surmontées

  • Les USA entament un radical repli sur eux mêmes, America First!
  • La Chine considère la décarbonation comme SA nouvelle fantastique opportunité industrielle: Panneaux photovoltaïques, batteries, véhicules électriques etc…
  • Les européens sont impactés par la top line (revenus sous haute pression concurrentielle/protectionnisme) et par la bottom line (cout de l’énergie, inflation générale, cout du réarmement, taux d’intérêts) ce qui réduit leurs marges de manoeuvre notamment budgétaires,
  • Les pays producteurs d’énergie fossiles veulent tirer le maximum de leurs actifs sous terrains, avant d’investir dans les ENR.

3. … Avec un accord néanmoins! Et même plusieurs, d’importance variable

  • Un succès a été remporté sur le renforcement du marché carbone (Cf notre blog sur le sujet de l’article 6). L’article 6 clarifie les mécanismes d’échange. L’intégrité environnementale sera garantie en amont par des examens techniques dans le cadre d’un processus transparent. 
    C’est une bonne nouvelle pour les pays en développement, qui bénéficieront de nouveaux flux financiers.  
  • Un accord a été trouvé in extremis sur le financement des nations en développement par les Parties à l’Accord de Paris. Dénommé « Nouvel objectif collectif quantifié sur le financement climatique » (NCQG), il prévoit de:
    • Tripler le financement des pays en développement, en passant de l’objectif précédent de 100 milliards de dollars par an à 300 milliards de dollars par an d’ici 2035. 
    • Encourager tous les acteurs à travailler ensemble pour accroître le financement des pays en développement, provenant de sources publiques et privées, jusqu’à un montant de 1,3 billion de dollars par an d’ici 2035. 
    • Il réaffirme également l’importance d’une réforme de l’architecture financière multilatérale, les pays en développement étant confrontés à : 
      • Un coût élevé du capital 
      • Des niveaux d’endettement élevés 
      • Des conditions d’accès aux financements complexes 
  • Enfin a été réaffirmée la nécessité de rehausser les ambitions des NDC dues pour début 2025 (cf notre article suivant sur ce blog).

Il s’agit évidemment d’un accord en demi-teinte, mais, dans ce contexte horribilis, les points de vue étaient ils conciliables?

Les déceptions concernent évidemment

  • Pour les nations en développement, et au 1er chef l’Inde, les montants alloués, jugés significativement insuffisants, ainsi que l’absence de clarification des sources prioritaires de financement (subventions et fonds propres plutôt que prêts)
  • Le refus de la Chine, de Singapour et des pays du Golfe d’intégrer le groupe des nations qui s’engagent financièrement. L’accord de Bakou ne fait qu’« inviter » les pays en développement à fournir des contributions financières, sur une base « volontaire »,
  • La transition hors des énergies fossiles, que l’Europe voulait renforcer, mais sans succès,
  • Les conditions d’une transition climatique équitable, notamment pour les pays les plus vulnérables, dans le respect des droits humains,
  • Les sujets d’atténuation qui n’ont fait l’objet d’aucun accord à cette Cop 29. 

Sur le 1er point, l’accord mentionne d’ailleurs une cible de 1,3 milliard de US$, reconnue par de nombreux experts comme le niveau minimum nécessaire. Les pays développés espèrent pouvoir atteindre cette somme grâce notamment : 

  • A la finance privée, 
  •  Aux financements dits innovants, qui regroupe notamment les taxes dites de solidarité mondiale sur le transport maritime, le transport aérien ainsi que sur les personnes les plus fortunées, 
  • Aux prêteurs internationaux comme la Banque mondiale.  

Cet accord sur les financements des pays en développement a donc frustré de nombreux bénéficiaires, notamment l’Inde, confrontée à des couts de transition exceptionnels vu son ancrage dans le charbon et autres énergies fossiles. Sur la forme, de surcroit, plusieurs pays se sont émus de n’avoir pas pu faire entendre leur voix, les textes ayant été considérés comme acceptés alors que toutes les parties n’avaient pas été entendues. Ce n’est ni la première, ni la dernière fois…

En conclusion, la partie était mal engagée, tant avant que pendant le round de négociations. Elle se termine moins mal que prévu, l’échec ayant été longtemps le scénario le plus probable.

Un accord étant avant tout la concrétisation d’une volonté, celui ci a le mérite de maintenir allumée la flamme des énergies pour lutter collectivement contre le réchauffement climatique.

Et elles seront sans doute renouvelées sur la route qui mène à Belem…

Pour preuve, alors que des plans climatiques nationaux plus stricts à horizon 2035 (contributions déterminées au niveau national, ou CDN) sont livrables le 10/02/2025, la COP29 a vu plusieurs pays du G20 – l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Canada et le Brésil – indiquer clairement qu’ils prévoient d’intensifier l’action climatique dans leurs CDN 3.0.  Le Mexique, 13e émetteur mondial, a promis de viser le Net Zéro pour 2050, alors que ses objectifs ne concernent actuellement que 2030. Les Émirats Arabes Unis, le Chili, La Norvège et la Suisse ont également annoncé leur décision d’amplifier leurs efforts.

Les actes parleront.