Chaque année, le Global Carbon Project publie une analyse approfondie des émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO₂) et des puits naturels qui les absorbent. Il réunit pour cela 119 contributeurs scientifiques basés dans 19 pays au sein de 86 organisations.

Pour sa 19ᵉ édition, dévoiliée lors de la COP 29, le rapport 2024 met en lumière une tendance inquiétante : les émissions de CO₂ continuent de croître, sans signe de diminution, malgré des progrès régionaux. Ce document offre une vision indispensable pour comprendre l’ampleur des efforts à mener SANS PERDRE UNE COP pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, conformément à l’Accord de Paris.


Énergies fossiles : une dépendance persistante

Les émissions de CO₂ provenant des combustibles fossiles devraient augmenter de 0,8 % en 2024, atteignant 37,4 milliards de tonnes (GtCO₂). Cette croissance est attribuée à plusieurs facteurs :

  • Gaz naturel (+2,4 %) : Principalement tirée par une forte augmentation en Chine (+8 %) et en Inde (+11,8 %), malgré une légère baisse dans l’Union européenne.
  • Pétrole (+0,9 %) : La reprise de l’aviation internationale (+13,5 %) constitue un moteur majeur.
  • Charbon (+0,2 %) : Bien que la consommation baisse aux États-Unis et en Europe, elle reste en hausse en Chine (+0,3 %) et en Inde (+4,5 %).
  • Ciment (-2,8 %) : Une réduction notable est attendue dans les principaux pays émetteurs comme la Chine (-8,1 %) et les États-Unis (-5,8 %).

Tendances régionales

  • Chine : En dépit d’une légère hausse globale des émissions (+0,2 %), des progrès sont visibles dans les secteurs du pétrole (-0,8 %) et du ciment (-8,1 %).
  • États-Unis : Réduction des émissions totales (-0,6 %), avec des baisses dans le charbon (-3,5 %) et le pétrole (-0,7 %), contrebalancées par une hausse du gaz naturel (+1 %).
  • Inde : Forte croissance (+4,6 %) tirée par des augmentations dans tous les secteurs : charbon (+4,5 %), pétrole (+3,6 %), et gaz naturel (+11,8 %).
  • Union européenne : Réduction marquée des émissions (-3,8 %), notamment grâce à une baisse significative du charbon (-15,8 %).

Aviation et transport maritime internationaux

Ces deux secteurs représentent 3 % des émissions mondiales de CO₂, avec une augmentation globale de 7,8 % en 2024.

  • Aviation internationale :
  • Une hausse des émissions de 13,5 % reflète la reprise post-pandémie, bien qu’elles restent inférieures de 3,5 % aux niveaux de 2019.
  • La transition vers des carburants durables (SAF) progresse, mais demeure insuffisante pour inverser la tendance.
  • Transport maritime :
  • Les émissions augmentent en raison de la reprise du commerce mondial, avec peu d’avancées dans la décarbonation.
  • Les efforts, tels que l’adoption de carburants verts comme le méthanol, restent limités par des coûts élevés et une disponibilité restreinte.

Changements d’utilisation des terres : Une menace persistante sur les forêts

Les émissions liées aux changements d’utilisation des terres, notamment la déforestation, restent élevées en 2024, au net de l’absorption de CO2 par la reforestation, à 4,2 GtCO₂ en 2024, en forte hausse (+0.5Gt) par rapport à 2023. Le Brésil, l’Indonésie et la République démocratique du Congo représentent 60 % des émissions de ce secteur.

Bien que ces émissions aient diminué de 20 % entre 1995-2003 et 2013-2023, certains facteurs aggravants persistent avec une contribution alarmante des feux de forêts, exacerbés en 2024 par la sécheresse en Amérique du Sud.

Les incendies de forêt ont en effet généré 7 GtCO₂ entre janvier et septembre 2024, un niveau nettement supérieur à la moyenne décennale. Les principales contributions viennent de :

  • Canada : Entre 0,8 et 1,2 GtCO₂, bien que ces chiffres soient en baisse par rapport à 2023.
  • Brésil : Entre 0,8 et 1,2 GtCO₂, soit environ le double de la moyenne historique.

Concentration atmosphérique de CO₂ : un niveau record

La concentration de CO₂ atteint 422,5 ppm en 2024, une augmentation de 2,8 ppm par rapport à 2023, et 52 % au-dessus des niveaux préindustriels. Les effets climatiques comme El Niño amplifient cette tendance, accentuant les risques de perturbations climatiques supplémentaires.


Puits naturels : une capacité sous pression

Océans : 26 % des émissions absorbées

Avec une absorption moyenne de 10,5 GtCO₂ par an sur la décennie écoulée, les océans restent un puits essentiel, mais leur efficacité diminue de 5,9 % sur 10 ans en raison des changements climatiques (réchauffement des eaux et modifications des vents).

Forêts et sols : 29 % des émissions capturées

Les terres absorbent 11,7 GtCO₂ par an sur la décennie écoulée, mais leur efficacité est réduite de 29 % en 10 ans, affectée par les sécheresses et les incendies. Les effets d’El Niño ont particulièrement impacté 2023, avec une absorption limitée à 8,4 GtCO₂, bien que 2024 marque une reprise partielle.


Budget carbone : la fenêtre de 1,5 °C se referme

Le budget carbone restant pour limiter le réchauffement à 1,5 °C est estimé à 235 GtCO₂, soit environ 6 ans d’émissions au rythme actuel. Les budgets pour 1,7 °C et 2 °C se situent respectivement à 585 GtCO₂ (14 ans) et 1 110 GtCO₂ (27 ans). Atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 nécessite une réduction annuelle de 1,6 Gt de CO2 soit 3,9 % des émissions mondiales de 2024, un défi colossal.


Ce rapport Global Carbon Budget 2024 montre une stagnation inquiétante dans la réduction des émissions mondiales.

Les progrès de certains ne suffisent pas à contrer les forces structurelles qui maintiennent une croissance des émissions en Inde et dans une moindre mesur een Chine.

Les objectifs actuels restent insuffisants pour inverser la tendance. Les négociations de la COP29 peuvent et doivent stimuler des actions ambitieuses pour aligner les émissions mondiales sur les objectifs climatiques.

Une révision universelle – dans la solidarité – des systèmes énergétiques et de la gestion des terres est urgente!