L’Europe se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale et l’Espagne est en première ligne.  Selon les rapports du GIEC, l’Espagne est l’un des pays les plus vulnérables au changement climatique en Europe. Ainsi, dans la péninsule, les phénomènes extrêmes se multiplient. 

  • Des vagues de chaleur plus intenses et plus fréquentes : le seuil des 50° C. sera prochainement atteint selon les experts (record officiel de 47,6°C. lors de la canicule de 2021 ; température au sol de 60° C. observé en juillet 2023)
  • Un été de plus en plus précoce avec des températures en avril équivalentes à celles de juillet : les jours avec température estivale sont passés de 90 à 145 entre 1971 et 2022 et un record de 35° C. enregistré en avril 2023
  • Des inondations dévastatrices dues à des orages violents : l’augmentation régulière de température de la méditerranée jusqu’à 30° C. en 2023 favorise la formation de fortes dépressions
  • Des sécheresses à répétition : 75% du territoire en danger de désertification 
  • Des incendies de forêts toujours plus dévastateurs : 3 fois plus d’incendies en 2023 que la moyenne observée lors de la dernière décade 

Aujourd’hui l’Espagne fait partie des grandes économies européennes avec 8% du PIB européen et fait donc partie des grands émetteurs de GES. Ainsi l’Espagne représente 9% des émissions de GES en Europe et se situe au 5ème rang.

Il est donc urgent d’agir alors que 83% des espagnols considèrent que le changement climatique est une menace pour l’humanité. 

Que font les autorités espagnoles?

Le « Plan Nacional Integrado de Energía y Clima (PNIEC) » (Plan National Energie Climat) est un document stratégique élaboré par le gouvernement espagnol pour faire face aux impacts du changement climatique. Il s’appuie sur une approche participative. Il a été élaboré en collaboration avec les administrations publiques, les entreprises, les organisations non gouvernementales et les citoyens.

Le PNIEC 2023-2030 est le deuxième plan d’adaptation au changement climatique en Espagne. Il a été adopté en 2022 et couvre la période 2023-2030. Il prévoit la neutralité carbone avant 2050.

Le PNIEC 2023-2030 vise à renforcer la résilience de l’Espagne face aux impacts du changement climatique. Il identifie 18 domaines de travail prioritaires, tels que l’énergiel’agriculture, la pêche, les forêts, l’eau, les transports, la santé, le tourisme et la biodiversité. Pour chacun de ces domaines, il définit des objectifs et des actions spécifiques.

Le Gouvernement a présenté un projet de mise à jour du PNIEC 2023-2030, soumis en audition publique jusqu’au 4 septembre et qui sera définitivement approuvé en juin 2024. La mise à jour comprend 46 mesures nouvelles ou actualisées et intègre davantage d’ambitions climatiques alignées sur les objectifs européens, dans le contexte géopolitique engendré par la guerre en Ukraine. Il porte la réduction des émissions à 32% en 2030 par rapport à 1990, contre les 23% précédents, pariant sur les énergies renouvelables, le stockage de l’électricité verte, et la maîtrise de la demande.

Les ONG locales considèrent que ces efforts sont très insuffisants. Cinq d’entre elles ont initié le premier litige climatique en 2020 en assignant l’Etat devant le Tribunal suprême pour inaction climatique afin d’obtenir un engagement de réduction des GES de 55% en 2030.Le Tribunal suprême espagnol a rendu le 20 juin 2023 une sentence déboutant les plaignants, considérant que les engagements du gouvernement espagnol étaient conformes à l’Accord de Paris.

Le développement des énergies renouvelables est l’axe majeur de la politique du gouvernement espagnol. L’Espagne utilise trois formes d’énergies vertes : l’énergie solaire, l’énergie éolienne  et l’énergie hydroélectrique. Avec Allemagne, l’Espagne est ainsi championne du solaire en Europe (2ème place). En 2023, ces énergies renouvelables devraient représenter 50% de la consommation électrique totale au détriment du gaz et de l’énergie nucléaire. Le charbon est quasiment inexistant, en application d’une politique volontariste de fermeture des centrales à charbon (2 en service). De la même façon, le gouvernement espagnol a décidé de sortir de l’énergie nucléaire à horizon 2030       (7 réacteurs encore en service).

Avec une abondance de soleil et de vent, l’Espagne se positionne comme le futur leader européen de la production d’hydrogène vert. L’Espagne a récemment décidé d’investir 18 milliards d’euros dans l’hydrogène vert. Le pays concentre 40% des projets de production de ce type en Europe.

Son voisin le Maroc ayant des ambitions similaires de développement de l’hydrogène vert en vue d’exportations vers l’Europe, l’Espagne cherche à mettre en place une coopération stratégique entre les deux royaumes afin d’éviter une concurrence directe. Longtemps liée à l’Algérie pour la fourniture de gaz, l’Espagne effectue un virage stratégique au nom du réalisme climatique après avoir reconnue la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental .

Cette politique de lutte contre le réchauffement climatique pourrait être mise en péril par l’instabilité politique du pays. En mai 2023, le Parti Populaire en s’alliant au parti d’Extrême Droite Vox (parti climatosceptique envisageant d’abandonner les Accords de Paris) a largement gagné les élections régionales. Par contre, les élections nationales ont mis le pays dans l’impasse car aucun parti n’a obtenu la majorité absolue au Parlement. Le Premier ministre socialiste en place ne pourra converser son poste qu’en s’alliant aux partis indépendantistes. Le Premier ministre devrait être choisi d’ici la fin de l’année. 

Ralentissement des ambitions climatiques ou accélération ? Nous serons fixés dans quelques semaines.