La COP 28 de Dubaï a mis l’accent sur la nécessité de multiplier par 3 le parc mondial de production d’énergie renouvelable à l’horizon 2030 par rapport à fin 2022, et doubler le rythme d’amélioration de l’efficacité énergétique sur cette même période. Est-on sur la bonne trajectoire par rapport à ces préconisations, et, plus généralement, les technologies vertes se développement-elles au bon rythme pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris ?  

Dans le cadre de notre revue quadrimestrielle des 5 domaines clé pour le Climat (événements extrêmes, émissions, technologies vertes, politiques publiques et financement), nous abordons ce volet des Technologies Vertes dans cet article.

  1. Le développement des technologies vertes en 2023

Tout d’abord, il faut constater que les énergies consommées dans le monde continuent de croitre année après année, et elles sont encore à 80% d’origine fossiles. Malgré tout il y a quelques bonnes nouvelles.

La première est que les énergies renouvelables se sont développées ces dernières années à un rythme sans précédent. Rien qu’en 2023, l’addition de capacité de production solaire photovoltaïque installée dans le monde a augmenté de 80% par rapport à 2022 ! La Chine porte la plus grande part de ce résultat, mais l’Amérique du Nord a augmenté sa capacité PV de plus de 50%, et l’Europe de 30%. 

C’est aussi, dans une moindre mesure, le cas pour l’éolien. Les nouvelles installations éoliennes ont crû de 60% en 2023 par rapport à 2022, malgré un ralentissement aux Etats Unis, et un démarrage plus lent que prévu de l’éolien offshore partout dans le monde. La poursuite de ce développement dépendra en grande partie de la capacité de la filière éolienne à gérer la période actuelle de hausse des couts et d’incertitude politique aux USA comme en Europe. 

La deuxième bonne nouvelle est que la filière des véhicules électriques a maintenant très bien démarré. Si les véhicules électriques légers ne représentent encore que 3% du stock mondial, leur développement est réel, avec une part de marché de 20% des véhicules neufs

Mais toutes les filières nécessaires à l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris ne démarrent pas à la même vitesse. 

C’est le cas notamment des pompes à chaleur électriques, indispensables pour décarboner les bâtiments, qui restent encore très chères quasiment partout dans le monde, et leurs ventes stagnent, sauf en Chine où la croissance est encore légèrement positive. 

Dans cette course à la réduction des gaz à effet de serre, il ne faut pas oublier les technologies non électriques. Le biogaz et l’hydrogène vert ont un rôle déterminant à jouer car ce sont non seulement des énergies bas carbone, mais en plus elles ne sont pas intermittentes comme le sont le PV ou l’éolien. 

Le biogaz continue à se développer progressivement : depuis 2017, les quantités produites ont progressé de 17%. Mais on peut et on doit faire beaucoup mieux !

Quant à l’hydrogène, qui est le seul moyen de décarboner massivement l’industrie lourde et le transport lourd, il commence à se développer comme le montrent les chiffres d’installation d’électrolyseurs. La capacité mondiale d’électrolyseurs a atteint en 2023 1300 MW installés, dont 600 MW sur la seule année 2023. Mais il est important de noter que la Chine porte à elle seule ¾ de cette progression.

Terminons enfin par un des leviers importants de la décarbonation qui est l’efficacité énergétique. Lors de la COP28 à Dubaï, les pays se sont engagés à doubler leur rythme d’amélioration de l’efficacité énergétique, pour passer de 2% par an en 2022 à 4% par an en 2030. Malheureusement, les progrès ont ralenti dans ce domaine, avec une année 2023 où on est repassé en dessous de la barre de 2% /an (figure ci-dessous).

  • Perspectives 2030 de développement des Green Tech les plus nécessaires à l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris

Tout d’abord, l’électricité renouvelable est en bonne voie pour être au rendez-vous des derniers engagements de la COP 28. D’après l’IEA, on est sur une trajectoire de multiplication par 2,5 du parc de production d’énergie renouvelables électriques d’ici 2030, donc pas loin du triplement demandé lors de la dernière COP à Dubaï. Avec un petit effort supplémentaire des gouvernements, on devrait y arriver.

Mais ce qui manque le plus pour atteindre les jalon 2030 compatibles avec le « Netzero » en 2050, ce sont les moyens de compenser l’intermittence des énergies renouvelables

Il s’agit, d’une part, des batteries à l’échelle du réseau électrique pour apporter la flexibilité nécessaire permettant d’équilibrer production et consommation ; et, d’autre part, des énergies renouvelables stockables comme le biogaz ou la géothermie

Pour être cohérent avec le triplement des énergies renouvelables électriques entre 2022 et 2030, il faudrait multiplier par 6 les capacités de stockage installées, ce qui est difficilement atteignable avec des batteries réseaux en concurrence directe avec les batteries pour véhicule électriques. Rappelons que les batteries Li-Ion présentent le risque maximum sur le critère de la disponibilité des matières premières nécessaires à l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris.  

Pour diminuer cette tension sur la nécessité de stockage tampons, une seule solution : accélérer sur les énergies vertes stockables comme le biogaz, mais aussi la géothermie et le stockage thermique. L’AIE préconise notamment un quadruplement de la filière biogaz/biométhane d’ici 2030, afin d’éviter de mettre tous nos œufs dans le même panier déjà bien lourd de l’électricité verte et des batteries électriques. 

Pour terminer ce panorama sur les technologies vertes, il est important de rappeler que le chemin à parcourir pour se décarboner complètement en 2050 ne pourra être parcouru jusqu’au bout avec les seules technologies commercialisées aujourd’hui. L’AIE estime que sur la totalité des émissions de GES à éviter, 35% nécessitera de nouvelles technologies, notamment dans les domaines de l’énergie nucléaire, de l’hydrogène, des SAF (Sustainable Aviation Fuels) et de la capture et du stockage du CO2. Des efforts de R&D importants dès maintenant sont donc indispensables !

  • Une incertitude encore importante sur la disponibilité des matières premières critiques

 Pour commercialiser massivement toutes ces technologies, celles qui existent aujourd’hui et celles qui existeront demain, il faut beaucoup de matières premières. Les métaux les plus critiques pour la Transition Energétique sont le Lithium, le Nickel, le Cobalt et le Cuivre. L’extraction et le traitement de ces matières premières se sont très fortement développés ces dernières années, mais moins vite que la croissance de la demande et surtout de manière très concentrée dans un petit nombre de pays. Par exemple, la Chine, l’Australie et le Chili produisent plus de 80% du Lithium mondial. Pour le Cobalt, c’est la République Démocratique du Congo qui concentre à elle seule 70% de la production mondiale. Pour le Nickel, tout se joue également entre 2 ou 3 pays, dont l’Indonésie. 

Une des conditions de succès du déploiement massif des technologies vertes est la disponibilité des métaux critiques nécessaires, ce qui nécessite de gros effort en matière d’augmentation des productions, de diversification des approvisionnements, de généralisation du recyclage et aussi de R&D pour trouver des technologies moins gourmandes en métaux critiques ou des substituts à ces métaux.

  • En synthèse, une trajectoire vers le Netzero 2050 de plus en plus ardue, mais encore atteignable

En synthèse, il est clair qu’il apparait de plus en plus difficile de rester sur la trajectoire du Netzero 2050, mais c’est encore possible ! Le photovoltaïque est bien parti, l’éolien aussi, mais avec un risque politique plus grand. Ce qu’il faut redresser très rapidement, ce sont les moyens de compenser l’intermittence des énergies renouvelablesélectriques. On n’y arrivera pas qu’avec les seules batteries, car les ressources en Lithium ne sont pas infinies. Une relance volontariste des énergies renouvelables non intermittentes comme les biogaz ou la géothermie est une solution à portée de main. Il faut enfin préparer le futur car les derniers millions de tonnes de CO2 seront les plus difficiles à supprimer, d’où l’impérative nécessité d’accroitre les efforts de R&D sur des technologies clés comme l’hydrogène, les SAF, le CCS et le nucléaire… et sur les manières d’économiser l’énergie et les métaux critiques.