L’Europe s’illustre par un mécanisme de « Cap and Trade » sur les émissions Carbone parmi les plus anciens et les plus performants au monde.

Créé en 2005, l’EU Emissions Trading System, ou EU ETS, concerne environ 11.000 installations en Union Européenne, Islande, Norvège et Liechtenstein. En 2021, il mettait sous contrôle environ 40% des émissions de ces territoires, en focalisant sur 3 secteurs

  • La production d’électricité et de chaleur,
  • L’industrie,
  • L‘aviation intra Union Européenne.

Chaque installation est passible d’un plafond (Cap) d’émissions annuel décroissant au fil du temps. Elle reçoit des quotas gratuits à hauteur de ce plafond et tout écart à la baisse ou à la hausse permet une revente ou oblige à acheter des quotas à due concurrence de cet écart (le Trade). Elle est donc incitée à investir en permanence pour décarboner sa trajectoire et éviter des achats, voire être en position de revente.

Ce dispositif ETS a prouvé son efficacité en faisant baisser de 37% les émissions des secteurs concernés entre 2005 et 2021. L’UE vient de voter un nouvel objectif à horizon 2030 de -62% d’émissions par rapport à 2005 pour les installations concernées.

Le prix des quotas de carbone a pourtant été assez peu incitatif pour les entreprises, jusqu’à 2020: 

  • Entre 2005 et 2020, le prix du quota de carbone a varié dans une fourchette de 5 à 25€ la tonne de CO2Eq. Il a même stagné en dessous de 10€/tonne entre 2012 et 2018,
  • Depuis 2021, le cours dépasse 55€/tonne, sous l’effet de la reprise et en anticipation de la réforme incluse dans Fit for 55. En août 2022 il atteignait un plus haut historique de 98,01€/tonne, avant de revenir aujourd’hui aux alentour de 88€/tonne.

Ces niveaux élevés représentent

  • Pour les entreprises en avance une opportunité de vente de quotas à des peux intéressants, donc une forte incitation à investir,
  • Pour les entreprises en retard sur leur trajectoire de décarbonation, la menace d’un coût supérieur à ne pas faire, donc une forte incitation également à investir.

Un mécanisme clairement vertueux pour le climat!

Mais au moment où l’Europe décide d’en élargir le périmètre, une question importante est celle de l’impact de ces investissements sur la performance financière des entreprises?

Plusieurs études académiques ont creusé ce sujet et leurs résultats convergent souvent autour de conclusions de bon sens:

  • Selon une étude de 2017 de Albrizo et al., les entreprises initialement les plus productives et performantes concernées par ce mécanisme améliorent davantage leur productivité sous son empire que les autres sociétés du secteur concerné, en moyenne,
  • Selon une étude de la DG Trésor au sein du ministère de l’économie français publiée en février 2023, l’impact de l’ETS sur la productivité est positif pour les entreprises peu endettées, négatif pour les autres.

Au global, lors des périodes récentes, le dispositif ETS a généré pour les entreprises concernées plus de croissance et d’amélioration des marges que pour les autres entreprises du même secteur. 

L’intuition de coûts supérieurs dus aux investissements de décarbonation et nuisant à la compétitivité est donc battue en brèche.

L’expérience montre que croissance et marges progressent plus grâce à la créativité des équipes de R&D boostées par les contraintes de la politique environnementale.

La créativité adore les contraintes et les nations les plus compétitives sont celles qui en imposent le plus, notamment pour le climat.

Réjouissons nous donc doublement des accords intervenus en décembre au sein du trilogue européen qui permettent à l’Union Européenne 

  • de renforcer les exigences du marché ETS à horizon 2030,
  • de créer, à compter de 2027, un marché ETS2 visant de nouveaux secteurs significatifs: Le transport terrestre et le bâtiment. 
  • D’inclure le transport maritime entre 2024 et 2026,
  • D’envisager d’ici décembre 2026 l’inclusion des déchets municipaux en 2028.