Deuxième pays émetteur au monde en volume de dioxyde de carbone, les États-Unis visent un objectif de réduction de 50 % à 52 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 par rapport aux niveaux de 2005, y compris l’utilisation des terres, le changement d’affectation des terres et foresterie (UTCATF) avant une neutralité carbone à l’échelle nationale d’ici 2050.

Ce nouvel objectif représente un progrès majeur par rapport à l’objectif de l’accord de Paris de 2015 qui visait une réduction de 26 % à 28 % en dessous des niveaux de 2005 d’ici 2025. Selon l’Agence de protection de l’environnement Américaine, entre 2005 et 2019, les Etats-Unis ont diminué leurs émissions de gaz à effets de serre de seulement 12%. L’accélération voulue par le Président Biden est donc nécessaire.

Pour y arriver, l’administration Biden compte notamment sur deux programmes d’ampleurs, la loi sur les investissements dans les infrastructures (Infrastructure Investment and Jobs Act) promulguée le 15 novembre 2021 pour un montant de l’ordre de 1200 milliards de dollars sur 8 ans et le plan « Build Back Better », ou “reconstruire en mieux”, un gigantesque plan de réformes sociales et environnementales à 1800 milliards de dollars adopté le 19 novembre par la Chambre des représentants et actuellement examiné par le Sénat.

  • La Loi sur le financement des infrastructures donne la priorité à une alimentation électrique américaine plus propre, vise à renforcer l’autorité nationale en matière d’autorisation pour le développement de projets de lignes électrique et appelle à investir dans les technologies énergétiques propres, telles que le stockage d’énergie, l’hydrogène et le captage et stockage du carbone.
  • Le plan « Build Back Better » prévoit des investissements climatiques importants d’une valeur de 550 milliards de dollars au cours des dix prochaines années, dont 320 milliards de dollars pour les crédits d’impôt pour l’énergie propre et 110 milliards de dollars en investissements pour les technologies énergétiques propres. 

Ce plan, s’il passe l’étape difficile du Senat d’ici janvier 2022, suffira-t-il ?

Le groupe de réflexion américain World Ressources Institute, spécialisé dans les questions environnementales, a mené une étude de modélisation de la décarbonation aux États-Unis pour évaluer le potentiel de réduction des émissions. Cette analyse, qui prend en compte plusieurs types de dispositions incluses dans les deux lois, révèle que des crédits d’impôt pour une gamme de technologies à faible émission de carbone, combinés à des investissements fédéraux dans des infrastructures intelligentes face au climat contribueraient considérablement à réduire les émissions, mais à elles seules ne permettront pas aux États-Unis d’atteindre leur objectif net zéro en 2050. 

3 scénarios d’atténuation sont modélisés :

  1. l’extension des incitations fiscales actuelles, ainsi que des augmentations des programmes de dépenses qui ciblent les infrastructures pour favoriser l’adoption rapide d’énergies propres et de technologies écoénergétiques ;
  2. proche des dispositions du « Build Back Better », l’hypothèse de crédits d’impôt supplémentaires pour les technologies à faible émission de carbone telles que les pompes à chaleur et les véhicules électriques ;
  3. l’ajout de normes de performance sectorielles strictes et un plafond d’émissions nettes zéro à l’échelle de l’économie en complément du scenario 2.

Le scenario 2, proche des plans envisagés par les Etats Unis, estime l’atteinte de l’objectif de réduction de 50% en 2035 plutôt que 2030 et de 66% en 2050, encore un peu éloigné du net zéro. C’est donc « presque suffisant ».

Un pays mais 50 Etats

Des déclarations aux actes, Joe Biden a signé mercredi 8 décembre un nouveau décret, l’objectif étant de réduire de 65 % les émissions de carbone du gouvernement fédéral (c’est à dire du gouvernement national) d’ici la fin de la décennie et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Selon la Maison-Blanche, le gouvernement prévoit de remplacer sa flotte de 600.000 véhicules par des modèles électriques, d’améliorer l’efficacité de 300.000 bâtiments fédéraux et de modifier la manière dont il achète l’électricité au cours des 25 prochaines années. En vertu de ce décret, le gouvernement fédéral s’engage à ne plus acheter de véhicules légers à essence d’ici 2027 et à n’utiliser que des véhicules à émission zéro d’ici 2035. Par ailleurs, tous les bâtiments appartenant au gouvernement fédéral ou loués par ce dernier ne contribueront plus aux émissions de carbone d’ici 2045. 

Ce décret concerne le gouvernement fédéral. Or les Etats, en raison des équilibres institutionnels aux Etats-Unis, disposent de pouvoirs importants leur laissant de fortes marges de manœuvre pour mener leur propre politique environnementale. Ainsi, selon le Centre pour le Climat et les Solutions Energétiques, 34 des 50 Etats ont un plan d’actions pour lutter contre le changement climatique. L’Etat de New York, par exemple, a adopté une loi qui prévoit de réduire de 85% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, par rapport à 1990. Certains états comme le Maine, la Virginie, essayent de générer leur propre système de financement en imposant des amendes au profit du renouvelable. 

Au niveau local, de nombreuses villes développent également leurs propres programmes, soutenus par des initiatives telle que le challenge « American Cities Climate Challenge » lancé en 2018 par la fondation Bloomberg et qui fournit un soutien puissant à 25 des plus grandes villes américaines pour les aider à définir et à atteindre des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour autant, selon une étude parue fin 2020 menée par The Brookings Institution, sur les 100 plus grandes villes des États-Unis, seulement 45 ont établi des objectifs de réduction de gaz à effet de serre, concernant donc environ 40 millions de personnes (12% de la population américaine). Sur ces 45 villes, 13 d’entre elles ont réduit significativement leurs émissions de CO2 ces dix dernières années, comme Los-Angeles, San-Francisco ou encore Washington. Les 32 autres villes ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs, éloignant d’autant l’atteinte du net zéro en 2050 au niveau national.

Pour mener à bien sa politique à l’échelle nationale, l’administration Biden et les suivantes devront composer avec les Etats et les chiffres actuels montent que les objectifs passés sont loin d’être atteints tant au niveau national que local. Les Etats-Unis restent vraisemblablement au-dessus de la trajectoire net zéro pour 2050 mais, pour autant, tant au niveau national que local, est-ce que le signal donné aujourd’hui pour rattraper le retard n’est pas tout aussi important ?