Amazonie, Californie, Australie, Canada… les incendies de forêts incluent de plus en plus de méga feux. Ils sont un défi croissant pour les équipes de pompiers, mais aussi pour les climatologues qui les modélisent et les politiques qui ont pris de belles résolutions à Glasgow!

Dans le monde, 3.000 milliards d’arbres absorbent chaque année 29% de nos émissions annuelles de CO2. 43% poussent dans les forêts tropicales et subtropicales, 25% dans les régions boréales et 22% dans les régions tempérées comme en France.

Ils n’occupent plus que 31% des terres émergées (4 milliards d’hectares) contre 50% il y a 8.000 ans, mais représentent encore la 1ère pompe biologique de CO2 de notre système terre devant les océans.

Ce schéma du Global Carbon Budget 2020, source-clé du 6e rapport du GIEC fait apparaître les grands ordres de grandeur des échanges de CO2 seul au sein du système Terre (flux et stocks de Carbone sont à multiplier par 3,67 pour avoir les flux et de stocks de CO2):

Les bienfaits de notre 1ère Pompe Carbone: Capter, Stocker, Substituer

La quantité de CO2 captée par les arbres grâce à la photosynthèse dépend de plusieurs facteurs:

  • son âge,
  • sa taille, 
  • le type d’arbre, 
  • les conditions environnementales (sols, climat, latitude, entretien de la forêt).

Un arbre en croissance absorbe en moyenne 20 à 25 kg de CO2 par an, avec une fourchette de 10 à 40 kg/an selon les essences forestières (estimation Ecotree). Ainsi, un arbre de 5 m3 peut stocker 5 tonnes de CO2 (par exemple 25 kg/an pendant 200 ans pour un chêne ou un platane).

Les jeunes arbres capturent moins de CO2 que les arbres matures. Cela est dû au fait qu’ils n’ont pas encore développé un système racinaire et un houppier complets pour capturer efficacement le CO2 de l’atmosphère. Néanmoins, les jeunes arbres jouent un rôle important dans la séquestration du CO2, car ils absorbent davantage de CO2 que les arbres adultes en proportion de leur taille.

À mesure que les arbres mûrissent, ils développent un système racinaire plus étendu et une plus grande surface foliaire, ce qui leur permet de capturer de plus grandes quantités de CO2. Les arbres de 30 à 60 ans sont donc généralement les plus efficaces pour la captation du CO2. Cependant, une fois qu’un arbre atteint sa pleine maturité, son taux de captation de CO2 a tendance à se stabiliser, principalement en raison d’un équilibre entre les gains par photosynthèse et les pertes par respiration.

Cela vaut tant pour les arbres en ville, les haies d’arbres ou les arbres en forêt. En forêt, on retient généralement 4 “périodes” : 

  • la période des jeunes pousses,
  • la période de forte croissance,
  • la période d’irrégularisation (arrivée de la régénération naturelle et travail de la parcelle en conséquence) et
  • l’état irrégulier durant lequel n’est prélevé que le volume qui est régénéré naturellement, sans coupe rase.

En forêt, l’indicateur retenu est la captation de CO2 par hectare. En période de pleine croissance, cette captation varie couramment de 6 à 16 t de C02/ha/an, allant parfois jusqu’à 30 t de CO2/ha/an (ex : 400 arbres à 25Kg de CO2 = 10 tonnes/ha/an). 

Selon l’ADEME, la captation moyenne de la forêt française (mature pour une bonne part) reste d’un niveau significatif de 4,8 t de CO2/ha/an. L’ADEME a d’ailleurs mis à la disposition des régions un logiciel d’appréciation du niveau de captation différencié du carbone selon les usages des sols (cultures, prairies, friches, forêts) pour affiner ces données. 

Le CO2 ainsi capté s’accumule au fil du temps:

  • Au niveau mondial on estime que les forêts stockent 163 tonnes de carbone par ha (ou 600 tonnes de Co2), incluant le bois vivant (45%), mort (10%) et le stockage dans le sol (45%),
  • Ecotree a développé un logiciel d’estimation de la captation de C02 sur un cycle forestier de 100 ans. L’IGN – institut Géographique National – a estimé dans le graphique ci-dessous la capacité de stockage de carbone d’un espace de forêt selon les essences forestières (Pour obtenir le poids du stockage de CO2, il faut multiplier par 3,67 ce poids en carbone).

Le stockage naturel de carbone et de C02 a lieu au niveau du tronc, des branches et des feuilles mais aussi dans la biomasse racinaire, dans les sols et sur le sol. Cette partie enterrée est du même ordre de grandeur que la partie végétale visible!

Si l’on poursuit le cycle de vie de ce carbone forestier, il convient de prendre en compte le stockage du CO2 dans les produits de la filière bois (matériaux de construction, meubles, cagettes) ainsi que l’utilisation pour la combustion. Selon l’ONF – Office National des Forêts – en France : 

  • 87 millions de tonnes de CO2 sont absorbées chaque année par la forêt française soit 19% des émissions de GES, 
  • 313 millions de tonnes  de CO2 sont stockées durablement grâce à notre utilisation des produits bois (charpentes, meubles, etc…), la durée de stockage du bois de construction étant estimée de 50 à 100 ans.
  • 30 millions de tonnes de CO2 sont évitées chaque année par l’utilisation des produits bois à la place de produits synthétiques.

Chronique d’une dégradation annoncée avec le réchauffement global:

Corollaires du réchauffement global, les perturbations du cycle de l’eau et les épisodes de sécheresse extrêmes entraînent bien sûr une fragilisation et des menaces accrues de feu sur les forêts.

La hausse de fréquence annoncée par le GIEC des épisodes extrêmes de sécheresses est bien connue:

L’indice global de temps propice aux incendies dans le scénario à 2°C l’est sans doute moins. Sans surprise, il promet des risques accrus à horizon 2050 y compris aux hautes latitudes. Les épisodes dramatiques rencontrés en Australie, en Californie et dans les forêts boréales ces dernières années ne sont que les prémices de ces projections:

L’impact des feux de forêt

Selon l’institut Pierre Simon Laplace, modéliser l’impact des feux de forêt est complexe car plusieurs effets opposés se conjuguent:

  • La destruction immédiate mais partielle de la matière organique qui émet du CO2, mais produit aussi des résidus de bois mort ou calciné,
  • Le rétablissement de la forêt en quelques décennies,
  • Le stockage de carbone sous forme de carbone pyrogénique, suite à la combustion de la biomasse, très peu décomposable par les micro-organismes. Il s’agit donc d’un nouveau stockage de carbone à très long terme, gagnant par rapport au bois mort qui est rapidement dégradé par les champignons xylophages. 

De ce fait, comme évoqué par une étude de 2022 parue dans Nature Géoscience, l’impact global des feux de forêts et de savane serait neutre.

Le GIEC, pour sa part, reprend une étude de van der Werf de 2017 qui chiffre à 1,5 Gt par an les émissions de CO2 issues de feux de forêts et de marnières.

Mais en 2022 une autre étude publiée dans Frontiers in Climate de chercheurs de l’université de Houston invoque une importante sous-estimation des données relatives à la combustion de la tourbe, cette fossilisation de matière organique riche en carbone, très présente dans les forêts tropicales. Or cette combustion lente des tourbières dure plusieurs semaines voire mois et passe inaperçue des satellites ce qui complique l’évaluation des émissions..! 

Ces incendies sont  à 90% d’origine humaine, Agir sur  la déforestation anthropique et améliorer la surveillance et la gestion raisonnée des forêts et tourbières est donc critique.