C’est en 1986 que la Chine a commencé à bénéficier d’un transfert de technologie nucléaire par la France, via Framatome. 

La baie de Daya à Shenzhen, au nord de Hong Kong, fut choisie pour accueillir la centrale confiée à Framatome et Spie Batignolles, portant 2 réacteurs nucléaires:

  • Guangdong 1 : d’une puissance de 944 MWe, lancée en 1987 mise en service en 1993,
  • Guangdong 2 : de 944 MWe, lancée en 1988, mise en service en 1994.

En parallèle de ce partenariat stratégique ininterrompu- Areva affiche fièrement 35 ans au service de ses clients chinois, la Chine s’est progressivement émancipée de la France en élaborant son propre modèle de réacteur nucléaire100% domestique.

Une série de versions fut ainsi développée en 3 décennies:

  •               Le CPR 1000 (à eau pressurisée, de 1080 MWe brut, basé sur le REP 900 de Framatome et d’une durée de vie de 60 ans)
  •               L’ACPR 1000, exportable car n’utilisant aucun composant couvert par des droits de propriété industrielle de sociétés étrangères,
  •               L’ACPR 1000+, renforcé suite à Fukushima.

Le 30 janvier 2021, la Chine annonçait la mise en service de Hualong One, son modèle propriétaire de réacteur nucléaire à eau pressurisée de 3ème génération ou HPR1000.

Développé par la China General Nuclear Power Corporation (CGNPC) et la Compagnie nucléaire nationale chinoise (CNNC), il est basé sur les conceptions des ACPR-1000 et ACP-1000 (autres réacteurs nucléaires chinois), tous deux également inspirés de la technologie française. 

À l’international, il est commercialisé par une co-entreprise créée fin 2015 par CGN et CNNC, qui a mis en service le deuxième Hualong One au Pakistan, en mars 2021, et qui vient de signer pour un troisième en Argentine.

En janvier 2017, l’Office of Nuclear Regulation (ONR) britannique annonçait le début de son évaluation de conception générale pour le Hualong-1, en prévision d’un déploiement possible sur le site de la centrale nucléaire de Bradwell. Le 7 février 2022, l’ONR et l’Environment Agency annonçaient officiellement leur approbation et émettaient les certifications ouvrant le marché britannique à cette technologie.

Le vrai géant du nucléaire chinois est la China National Nuclear Corporation (CNNC). Ce conglomérat de 1 million de salariés contrôle la plupart des activités du secteur, notamment la R&D, l’extraction d’uranium, la fabrication du combustible, le retraitement et l’élimination des déchets. Il détient 8 % de CGN, le plus gros opérateur nucléaire chinois. C’est aussi lui qui a lancé, en janvier dernier, le premier miniréacteur nucléaire de 4e génération à haute température du monde, à la centrale de Shidaowan.

C’est donc assez sereinement que la Chine a pu annoncer en 2021 la construction de 150 réacteurs nucléaires sur son territoire, et une trentaine dans les pays de ses « routes de la soie », au Pakistan notamment.

Le dernier rapport de la China Nuclear Energy Association fournit des éléments éloquents:

En terme de performance:

  •               Un parc à fin 2021 de 51 réacteurs d’une puissance de 53 GW (56 réacteurs pour 61GW en France),
  •               Une progression de la puissance nucléaire installée de 5,3GW en 2021,
  •               Un taux de disponibilité des centrales de 92,27% (14 réacteurs français arrétés en juillet 2022),
  •               Une production d’énergie en 2021 de 407TWh (361TWh pour la France selon RTE.) La France est donc dépassée!
  •               Une part du nucléaire dans l’électricité du pays de 4,77% (70% aujourd’hui en France),
  •               Une part du nucléaire dans l’énergie du pays de 2,24%, devant atteindre 20% en 2060 (40% aujourd’hui en France).

En terme de perspectives:

  • Le nucléaire est en effet un facteur stratégique de sécurisation de la production d’électricité dans un environnement de sources ENR volatiles, comme en France, et dans les pays où l’hydro-électricité ne peut jouer ce role,
  • Le rythme actuel de livraison de 4 réacteurs par an pourra sans doute être porté entre 6 et 8 dans le prochain plan quinquennal soit 10GW/an… (En France, l’EPR de 3ème génération de Flamanville porte une puissance de 1650GW, ne compensant pas l’arrêt de Fessenheim dont les 2 réacteurs cumulaient 1840GW),
  • Le réacteur expérimental de fusion chinois EAST a porté durant 20 secondes une température inédite de 160 millions de degrés…

En France, le calendrier du nouveau plan de déploiement des EPR2 annoncé en février par le président Macron est le suivant:

  •               2021-2025: Débat public et obtention des permis de construire des EPR2,
  •               2025-2027: Travaux préparatoires,
  •               2027: Premier béton,
  •               2035/2037: lancement de l’exploitation,
  •               Puis déploiement d’1 EPR/an, soit 14 EPR d’ici 2050 représentant 25GW supplémentaires d’ici 2050.

Sans surprise, ce pays 20 fois plus grand que la France prend son envol dans ce domaine comme dans les autres. Le rapport entre les volumes de nouvelles capacité nucléaire déployés annuellement montre toutefois que la france n’a pas à rougir de sa feuille de route… si elle la tient.

Le maintien voire le développement d’une filière solide dans ce domaine est à l’évidence critique pour consolider le développement des ENR. Notre pays comme d’autres en Europe a montré la fragilité des stratégies, donc des filières nucléaires, face à certaines alliances politiques. 

Jusqu’au jour où la maitrise de ce graal que représente la fusion mettra tout le monde d’accord!