Notre ONG vient de publier l’ édition 2025 de son Palmarès des Trajectoires Climat des entreprises du CAC 40. Ce palmarès est élaboré à partir des publications extra-financières 2025 de chaque entreprise au titre de l’exercice 2024. Nos 5 critères d’évaluation sont issus du cadre « Net Climate Liability » des Ateliers du Futur. Ils rejoignent les exigences de la CSRD relatives aux publications Climat (ESRS E1) :
- Objectifs de baisse des émissions à horizon 2030
- Plan d’actions au service de ces objectifs
- Moyens financiers nécessaires d’ici 2030 (CAPEX et OPEX)
- Gouvernance executive du plan de décarbonation
- Plan de Transition du Groupe à horizon 2050
Le présent article a pour objectif d’analyser les résultats obtenus sur le critère clé du plan de transition 2050 en mettant l’accent sur de bonnes pratiques constatées.
Rappelons au préalable que la CSRD exige des entreprises du CAC 40 de publier leur trajectoire de décarbonation et les objectifs associés, et de préciser à quelle point celle ci est compatible avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C conformément à l’Accord de Paris. Pour s’en assurer, les ESRS indiquent que les objectifs doivent être basés prioritairement sur une méthodologie de décarbonation sectorielle si elle existe et si ce n’est pas le cas, sur une méthodologie de décarbonation absolue. L’entreprise doit donc suivre un cadre méthodologique basé sur l’Accord de Paris, comme le référentiel SBTi (avec les approches sectorielles ou de contraction absolue) ou le scénario Net Zero de l’Agence internationale de l’énergie.
Pour évaluer les trajectoires 2050 des entreprises du CAC 40, nous avons suivi la même logique, en allant plus loin, considérant à la fois l’ambition de la trajectoire envisagée en termes de réduction d’émissions absolues et la stratégie de concrétisation (leviers et impacts). Notre évaluation repose ainsi sur quatre grandes familles de questions :
- La trajectoire envisagée est-elle compatible avec l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris, concrétisée par sa conformité aux exigences de la SBTi ou, à défaut, par sa conformité aux bonnes pratiques du secteur ?
- Les leviers d’action sont-ils identifiés et leurs impacts quantifiés ?
- Ces derniers reposent-ils sur des hypothèses technologiques raisonnables (recours limité à des technologies non encore matures) ?
- La compensation carbone ou la capture-stockage du CO2 sont-ils limités aux seules émissions résiduelles (moins de 10% des émissions de l’année de référence) ?
Sur cette base, une société sur cinq seulement a atteint la note maximale, ce qui montre qu’il y a encore une certaine marge de progression. Il s’agit de
Tous ces groupes cochent toutes les cases, avec à la fois des objectifs ambitieux et des moyens pour les atteindre qui reposent sur des hypothèses solides et réalistes.
Parmi ces sociétés, certaines ont fortement progressé depuis notre palmarès précédent. C’est le cas notamment d’Edenred, qui a non seulement obtenu en octobre 2024 l’approbation de ses objectifs 2050 par le SBTi, mais en plus a augmenté le périmètre pris en compte dans son scope 3.
Ainsi, Edenred s’est fixé à l’horizon 2050 des objectifs plus ambitieux que l’année dernière, à savoir : i) atteindre le zéro émission nette dans l’ensemble de sa chaîne de valeur, ii) réduire de 90% ses émissions absolues de GES des scopes 1 et 2 par rapport à l’année de référence 2019, et iii) réduire ses émissions de GES du scope 3 de 97% par million d’euros de valeur ajoutée. Le périmètre de ces objectifs à horizon 2050 couvre intégralement les émissions provenant des activités directes et de l’énergie achetée (scope 1 et 2), avec une couverture renforcée du scope 3 en particulier des biens et services achetés, ainsi que les émissions provenant des biens d’investissement, conformément à l’approche de la SBTi. En ce qui concerne les éventuelles émissions résiduelles pour atteindre le « net zéro », Edenred contribuera au captage et au stockage du carbone en dehors de sa chaine de valeur en achetant des crédits carbone de haute qualité.
Le groupe Sanofi a également sensiblement progressé dans la définition de sa trajectoire 2050. Il a en effet approfondi les leviers de décarbonation qu’il envisage pour concrétiser ses objectifs, et qu’il présente en détail dans sa publication consacrée à son plan de transition :
- Réduire ses émissions de GES des scopes 1 et 2 en ayant recours aux énergies renouvelables (le groupe a rejoint l’initiative RTE100) tout en réduisant ses consommations d’énergie, mais aussi en concevant de nouvelles usines à faible empreinte environnementale et en mobilisant les collaborateurs partout dans le monde.
- Décarboner toute la chaîne d’approvisionnement y compris celle des fournisseurs (scope 3). Le programme Energize lui permet notamment de collaborer avec une vingtaine d’autres entreprises pharmaceutiques pour favoriser le passage aux énergies renouvelables des chaînes d’approvisionnement communes.
En outre, Sanofi a lancé un programme de compensation carbone ambitieux en 2022, qui lui permettra à partir de 2030 de compenser les émissions de CO2 année après année, et en 2045 d’atteindre la neutralité carbone en compensant ses émissions résiduelles (10% des émissions de l’année de référence).

(source : plan de transition 2025 Planet Care de Sanofi)
Parmi les sociétés qui n’ont pas encore atteint la note maximale pour leur trajectoire 2050 (80% des sociétés évaluées), certaines ont néanmoins bien progressé depuis notre palmarès précédent. C’est le cas par exemple du groupe ENGIE qui a approfondi de manière importante en 2024 les leviers de décarbonation qu’il envisage à l’horizon 2045, notamment :
- La décarbonation de sa production d’électricité (sortie du charbon, réduction du portefeuille gaz, verdissement des combustibles des centrales)
- L’évolution des émissions de GES liées à la vente de combustibles fossiles (gaz naturel notamment) : réduction des ventes de gaz, développement de la vente de gaz verts (biométhane, hydrogène…)
- La compensation des émissions résiduelles à court terme par des crédits carbone, et à plus long terme (2045) en s’appuyant sur des technologies d’émissions négatives (capture et séquestration de CO2 biogénique).
Malgré ces précisions importantes, Engie n’a pas encore l’évaluation maximale sur sa trajectoire 2050 car certains leviers de décarbonation (notamment pour remplacer le gaz naturel fossile par des gaz décarbonés) reposent en partie sur des solutions non encore matures à grande échelle (capture, séquestration et utilisation de CO2, hydrogène).
En conclusion, on constate sur ces différents exemples une progression réelle de certains groupe du CAC 40 dans leur trajectoire de décarbonation à long terme depuis le dernier palmarès, tirée probablement par les éléments réglementaires demandés dans le reporting CSRD. L’ambition d’atteindre le NetZero est affichée par la quasi-totalité des sociétés étudiées, avec des progrès notables sur la prise en compte des émissions du scope 3. Les marges de progression chez les groupes qui n’ont pas obtenu la note maximale concernent majoritairement l’identification et la quantification des leviers réels de décarbonation à l’horizon 2050 sur lesquels de nombreuses incertitudes existent aujourd’hui (faisabilité technique, réalisme économique, évolution des marchés…).
