Dans le cadre de notre revue quadrimestrielle des 5 domaines clé pour le Climat (événements extrêmes, émissions, technologies vertes, politiques publiques et financement), nous abordons dans cet article le volet des Politiques Publiques.
Les nations « Parties » à l’accord de Paris ont bien fixé des politiques de réduction des émissions de GES définies dans ce que l’on appelle les Contributions Nationales Déterminées (NDC en anglais). Tous les pays « Parties » ont établi une Contribution Nationale Déterminée, sauf 3 qui représentent moins de 1% des émissions : l’Érythrée, la Libye et le Turkménistan.
Et la plupart des pays ont complété ces CDN par un engagement Net Zero, parfois à horizon 2050, parfois au-delà comme la Chine ou l’Inde, le cumul de ces engagements Net Zéro couvrant 89% des émissions, soit la plus grande part.
Entre les premières CDN publiées avant 2020 et la seconde génération de CDN, émises depuis 2020 et dont
le bilan mondial a été présenté en novembre 2023 à la COP 28 de Dubaï, les engagements ont progressé de près de 10 GTCO2e à horizon 2030. Il semble d’ailleurs que nous soyons proches du pic mondial d’émissions.
Cette universalité et l’ampleur des progrès réalisés montrent tout le caractère vertueux de l’accord de Paris, bien que non contraignant, avec son cap et le suivi de sa mise en œuvre, notamment via les COP.
Mais les engagements portés par ces Contributions Nationales Déterminées demeurent largement insuffisants justement pour tenir les objectifs de l’accord de Paris.
A horizon 2030, l’écart à la cible est estimé entre 20,3 et 23,9 GtCO2eq
pour des émissions totales actuelles de 55 GtCO2eq:
Source: UNFCCC 2022 NDC Synthesis Report
Autant dire que l’écart à la cible reste considérable et nécessite des initiatives d’ampleur.
Pour les 4 parties à l’accord les plus importantes (la Chine, les États Unis, l’Union européenne et l’Inde) l’écart à la cible atteint 10 GtCO2eq : 7 pour la Chine, 1 pour les États Unis, un niveau proche de 1 pour l’Union européenne et 1 pour l’Inde.
Pour respecter l’accord de Paris et la cible à 1,5°, Il faut donc intensifier l’action et fixer des objectifs plus ambitieux dans les CDN afin de réduire les émissions mondiales de GES de 43 % d’ici à 2030 et de 60 % d’ici à̀ 2035 par rapport aux niveaux de 2019, et atteindre l’objectif d’émissions nettes nulles de CO2 au niveau mondial d’ici à̀ 2050.
Mais, en dépit de l’urgence climatique et des 65 mois seulement qui nous séparent de l’échéance 2030, les plus grandes économies du monde reviennent trop souvent sur leurs ambitions et leurs politiques climatiques:
Dans tous les secteurs, une dynamique très positive est engagée, en particulier pour atteindre deux objectifs importants de la COP 28, à savoir multiplier par 3 le renouvelable et doubler l’efficacité énergétique.
Mais du côté des politiques publiques, les exemples de recul ne manquent pas:
· Les États-Unis ont connu des retards dans la mise en œuvre de l’IRA (l’Inflation Reduction Act), ce qui a amené certains promoteurs de projets à faibles émissions de carbone à retarder des décisions d’investissement,
· Les législateurs de l’Union européenne sont parvenus à un accord provisoire fin 2023 qui permet aux gouvernements nationaux de continuer à subventionner les centrales électriques à charbon jusqu’en 2028 au moins. La France a retardé sa sortie du charbon de trois ans, jusqu’en 2027, même si cela ne concerne qu’une production très limitée d’électricité,
· L’Union européenne et plusieurs États membres ont également affaibli les mesures visant à promouvoir une agriculture à faible émission de carbone,
· L’Union européenne a réduit l’ambition portée par la CS3D sur le devoir de vigilance et l’obligation de plans de transition alignés sur l’accord de Paris (périmètre, sanctions en cas de non-respect),
· En 2023, l’Allemagne a mis fin par anticipation à son programme de subvention pour l’achat de véhicules électriques, avec comme impact une réduction des ventes alors qu’elles progressent sur l’ensemble de l’UE,
· Le Royaume-Uni a reporté son interdiction de vendre des véhicules neufs équipés de moteurs à combustion interne et des chaudières à combustibles fossiles,
Dans tous ces cas, les gouvernements ont invoqué des facteurs conjoncturels et des budgets publics tendus. Les tensions géopolitiques et spécialement la guerre en Ukraine conduisent à une renforcement des ressources dédiées à la sécurité dans le monde et au soutien du pouvoir d’achat au détriment des investissements pour l’avenir.
A l’approche de l’échéance de 2030, l’intensification de l’action et des engagements est plus que jamais critique.
Et les politiques doivent aussi prendre en compte la forte attente des citoyens en matière de lutte contre le changement climatique en raison de ses effets dévastateurs dans toutes les parties du monde.
A titre d’exemple, Il semble bien que les récentes élections locales au Royaume Uni aient sanctionné l’impulsion du Premier ministre à temporiser sur la législation ambitieuse de son pays avec une vague verte !
En Europe, le résultat des élections européennes semble heureusement confirmer la dynamique de réduction des émissions de GES impulsée par le green deal. La CSRD et la CS3D qui constituent des avancées majeures de ces dernières années, positionnent l’Union européenne comme référence au plan mondial. Le prochain grand test se situe aux USA, bien sur!
Et dans ce contexte, la Conférence de Bonn début juin n’a pas permis d’initier concrètement le processus de sortie des énergies fossiles mise en avant pour la première fois à la COP 28.
Les prochaines CDN prévues par l’accord de Paris sont attendues pour février 2025. Ce qui a conduit l’UNFCCC, dans une lettre aux parties du 14 mars 2024, à les exhorter à préparer des prochaines CDN beaucoup plus ambitieuses que les précédentes.
Évidemment, les Ateliers du Futur considèrent aussi que ces CDN seront critiques pour la cible du 1,5° de l’accord de Paris qui doit rester notre cap.