Les records de températures récents :

  • Sur terre (Californie: 54,4°C en 2021, 53,3°C en 2023, Chine 52,2°C en juillet 2023, Monde: juillet 2023),
  • Sur les océans: Record mondial le 30 juillet 2023 à 20,96°C selon Copernicus.

Sont des signaux forts qui interpellent: Variabilité naturelle ou impacts anticipés et supérieurs aux anticipations du GIEC? 

L’étude des publications récentes sur le sujet met en exergue au moins 5 sorcières possiblement à l’oeuvre sur notre chaudron :

1- Le soleil avec un pic d’irradiance, heureusement conjoncturel. Le caractère cyclique de l’activité solaire est bien connu, avec une mesure satellitaire fine depuis 1979. La consolidation de 3 sources américaines livre le graphe suivant: 

PMOD : Physikalisch Meteorologisches Observatorium, Davos

SORCE:Solar Radiation and Climate Experiment

GES DISC: Station spatiale internationale Total Irradiance Monitor

(Les chiffres d’irradiance de l’échelle de gauche valent pour 1m2 de surface plane au sommet de l’atmosphère. Ramené à la surface d’un globe terrestre en rotation, cela conduit au quart de cette puissance, soit environ 340W/m2 en moyenne).

Nous baignons donc dans un flux d’énergie solaire légèrement supérieur à la moyenne, dont une partie est captée par le système Terre, l’autre est réfléchie par son albédo vers l’espace.

Or cet albédo diminue: 

2- L’albédo de la cryosphère baisse cette année avec une réduction inédite de la glace de mer Antarctique:

Conséquence pour les mers du Sud: Leur surface devient plus sombre, absorbante au lieu de renvoyer l’énergie solaire en partie vers l’espace.

3– La diminution des aérosols anthropiques et de leur effet refroidissant:

Ces aérosols produisent un albédo, une réflexion de la lumière vers l’espace, à la fois directement, et aussi indirectement par interaction avec les nuages.

L’effet refroidissant des aérosols émis par nos activités a été évalué par le GIEC, de manière croissante jusqu’en 1975, et  il décroitrait depuis:  

Source 6e rapport du GIEC, GT 1 Tableau A3-3 (graphe Les Ateliers du Futur)

Cette inversion résulte de politiques de santé publique de plus en plus protectrices… à court terme!

Sont notamment déterminantes les émissions de soufre issues des carburants de véhicules et de navires, désormais sous règlementation. Depuis 2015, par exemple, l’IMO (International Maritime Organisation) a imposé une baisse de 1% à 0,1% de la teneur en soufre des carburants maritimes près des cotes nord américaines, en mers du Nord, Baltique et dans la Manche.  

4 – 4ème sorcière: L’élasticité de la température à la surface de la Terre par rapport au forçage anthropique.

Rappelons que ce forçage est l’énergie supplémentaire « stockée » dans le système Terre du fait de l’opacité aux infrarouges de l’atmosphère polluée par nos émissions de GES depuis l’ère préindustrielle et qui le réchauffe. 

Cette élasticité pourrait avoir été sous estimée par le GIEC!

Selon le GIEC, en effet :

  • le forçage anthropique amène un supplément d’énergie aujourd’hui d’environ 3W/m2. Dans le scénario SSP 4.5, il atteindra 4,5W/m2 en 2050,
  • Le ratio entre ce forçage et la hausse des températures de surface lorsque notre système trouve son équilibre est évalué à 0,75. 

Cela induit des hausses de température de

  • +2,25°C dans le climat actuel, ou +1,75°C net de l’effet des aérosols contre +1,2°C observés aujourd’hui,
  • +3°C dans le scénario SSP 4.5 pour lequel nos émissions conduisent à un forçage de 4,5W/m2 à horizon 2050. 

Or une récente étude sur base des paléoclimats (http://www.columbia.edu/~jeh1/Documents/PipelinePaper.2023.07.05.pdf) suggère que l’élasticité naturelle serait plutôt de 1,2 °C/W/m2….

Avec cette hypothèse, les températures d’équilibre seraient donc plutôt 

  • Avec le niveau actuel de pollution carbone de l’atmosphère (forçage de 3W/m2) +3,6°C hors aérosols,
  • Dans le scénario SSP4.5, +5,4°C,

Soit +1,35°C dans le climat actuel, +2,4°C à horizon 2100, certes…

5- Une dernière sorcière se profile: La vitesse de réaction du Climat à notre forçage, c’est à dire la rapidité pour atteindre un nouvel équilibre, suite à une hausse de notre pollution carbone.

La réaction de notre planète à une hausse de cette pollution n’est pas immédiate:

Etape 1: La plus forte concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère la rend plus opaque aux infrarouges émis par la terre.

Etape 2: L’atmosphère interceptant ces rayonnements se réchauffe et renvoie cette énergie partiellement vers la terre et les océans et non vers l’espace.

Etape 3: Un réchauffement progressif des couches profondes des Océans intervient,

Etape 4: L’équilibre énergétique n’est retrouvé que lorsque le réchauffement de la Terre est tel qu’il produit un rayonnement infrarouge global vers l’espace qui, avec l’albédo, rééquilibre l’énergie reçue naturellement du soleil (environ 340W/m2). Or ce réchauffement met plusieurs siècles à s’établir (environ un siècle pour se réaliser aux 2/3). La cause essentielle de cette latence, ou temps de réponse, est donc l’effet amortisseur du réchauffement des couches profondes des Océans.

Il apparait donc un déséquilibre – temporaire – entre l’énergie reçue du soleil et celle renvoyée.

Les satellites permettent à présent une mesure fine de ce déséquilibre ténu mais réel et en hausse avec les effets des 4 sorcières vues plus haut:

Source: Données satellitaires CERES / James Hansen, Makiko Sato, Reto Ruedy

Une grande incertitude entoure ce temps de réponse. Il dépend aussi du point où l’on se situe par rapport au niveau de réchauffement cible. Si réellement la température cible des scénarios de forçage est supérieure à celles estimées jusqu’à présent, il se peut que la rapidité de réchauffement, elle aussi, soit sous estimée.

Dés lors, cela réduit notre temps de réaction à nous humains pour corriger la trajectoire de nos émissions et éviter des points de non retour (fonte du pergélisol, des calottes, destruction des forêts etc…)

Le principe de précaution est de plus en plus justifié… Puissent les négociateurs de la COP 28 en tenir le plus grand compte!