La CSRD a exigé des entreprises du CAC 40 de publier à la fois leurs objectifs de décarbonation à l’horizon 2030 et 2050, mais aussi les dépenses financières associées aux plans de décarbonation.
La directive européenne, face à l’urgence du sujet, a précisé les exigences de publication: Distinguer des dépenses d’investissement (CAPEX) et opérationnelles (OPEX) allouées à la décarbonation, les dépenses réalisées à court terme et moyen terme et les dépenses long terme, en fournissant les éléments nécessaires pour prouver la cohérence entre les objectifs climatiques et le montant des dépenses.
Ce sont ces critères que les Ateliers du futur ont utilisés pour réaliser leur Palmarès du CAC 40 sur les sujets de décarbonation. Le Palmarès évalue les moyens financiers mis à disposition pour réaliser les plans de décarbonation selon les critères suivants : Sont-ils quantifiés, sont-ils détaillés entre Opex et Capex, précisés pour les principaux leviers du plan d’actions et supportables pour le Groupe?
Il en ressort que seules 7 sociétés sur 40 ont atteint la note maximum sur le critère d’évaluation financière du Palmarès :
- Capgemini
- Michelin
- Safran
- Saint Gobain
- Sanofi
- Schneider Electric
- Stellantis
- Les bonnes pratiques de publication des informations financières sur les plans de décarbonation : détailler capex/opex relatifs aux principaux leviers de décarbonation
La transparence sur les investissements dédiés au climat progresse, mais peu d’entreprises respectent complètement les critères de publication.
Schneider Electric fait partie des bonnes pratiques en détaillant :
- Les dépenses liées à l’atténuation et celles liées à l’adaptation au changement climatique
- Les Capex et les Opex
- Les dépenses de l’exercice 2024 et celles à venir sur la période 2025-2030.
Ainsi, Schneider Electric a détaillé ses ressources financières allouées au plan d’action d’atténuation climatique de la façon suivante :
2024 :
- 39,8 M€ alloués à des projets d’électrification des sites (Capex)
- 14,4 M€ alloués à la décarbonation des produits (Capex) et 35 M€ en Opex
2025 à 2030 :
- 200 M€ alloués à des projets d’électrification des sites (Capex)
- 90 M€ alloués à l’installation de bornes de recharge de véhicules électriques (Capex)
Stellantis a également produit un tableau explicite sur le chiffrage des dépenses de décarbonation, mais sans détailler la part Capex de la part Opex :


- L’intégration de la décarbonation dans le Business Model :
Les entreprises qui prévoient des montants significatifs pour leur décarbonation sont aussi celles qui ont intégré dans leur stratégie la nécessaire évolution de leur business model.
C’est le cas de Saint Gobain, dont la feuille de route Carbone 30 représente 1 M€ de Capex sur la période 2020 à 2030, hors dépenses de R&D. La décarbonation s’intègre dans une transformation industrielle structurée, avec des objectifs scientifiquement validés et des investissements conséquents, dans une industrie où les défis restent importants compte tenu de l’intensité carbone des procédés de production de verre et de matériaux de construction
Cette feuille de route se décompose selon les leviers d’action suivants :
1. Efficacité énergétique : optimiser les processus industriels et réduire la consommation d’énergie.
2. Électrification des procédés : remplacer progressivement les énergies fossiles par l’électricité décarbonée, notamment avec des fours électriques pour la production de verre.
3. Énergies alternatives : adopter l’hydrogène vert, le biométhane certifié durable et la biomasse pour remplacer les combustibles fossiles.
4. Économie circulaire : augmenter le taux de recyclage (50% de réduction de l’usage de ressources vierges d’ici 2030) et utilisation accrue de calcin (verre recyclé).
De même, Michelin alloue plus d’un milliard d’euros sur cinq ans pour décarboner ses processus de fabrication (Scopes 1 et 2) (400 M€) et, de manière cruciale, l’usage de ses produits (Scope 3) (600 M€) en améliorant leur efficacité énergétique et la résistance au roulement de leurs produits. Cette approche démontre une compréhension mature des enjeux, où l’innovation produit devient un levier de décarbonation et un avantage compétitif.
- L’importance de chiffrer les ressources allouées à la décarbonation
Plusieurs facteurs expliquent ces écarts d’ambition. Premièrement, l’intensité carbone et la maturité technologique des secteurs sont déterminantes. Les entreprises de l’énergie disposent de technologies renouvelables matures à déployer, tandis que l’aéronautique (Safran) dépend d’innovations de rupture (carburants durables, hydrogène) encore en phase de R&D. Pour autant, Safran affiche une réelle ambition, avec un feuille de route décarbonation de 3,1 Mds€ entre 2024 et 2028. 75% des dépenses de R&D seront dédiées à la performance environnementale des produits (scope 3)
Deuxièmement, la capacité à transformer la décarbonation en opportunité commerciale est un puissant moteur. Schneider est positionné sur le marché de l’efficacité énergétique, ce qui aligne ses intérêts commerciaux avec les objectifs climatiques.
Enfin, la gouvernance joue un rôle crucial. Comment expliquer autrement la réticence de certaines entreprises du CAC 40 à publier les montants alloués à la décarbonation, en invoquant le prétexte d’une absence de clarté de la norme CSRD (quelle méthode de calcul, quelle granularité de l’information…). Les Ateliers du futur considère dans leur Palmarès que la crédibilité du plan de décarbonation dépend de la clarté des moyens requise et délurée soutenabilité financière.
Conclusion : un effort global encore insuffisant
Si les exemples de nos lauréats du palmarès prouvent qu’une décarbonation ambitieuse et financée est possible, il reste trop d’exceptions. Pour aligner l’indice phare de la Bourse de Paris sur une trajectoire de 1,5°C, un quasi-doublement des investissements annuels serait nécessaire (1). La mise en œuvre de la directive CSRD, qui exige un reporting de durabilité plus détaillé, pousse à plus de transparence et, espérons-le, à plus d’ambition. Sans une réorientation massive des investissements et des financements, privilégiant la durabilité à long terme sur les cash flows à court terme, les objectifs climatiques resteront hors de portée.
Références
[1] Forum pour l’Investissement Responsable (FIR). (2025). COMMENT LE CAC 40 RÉPOND-IL AUX INVESTISSEURS ? RAPPORT D’ENGAGEMENT – SAISON 5. https://www.frenchsif.org/isr_esg/wp-content/uploads/FIR_Rapport-S5-AG2024_22janv2025.pdf
