Le peuple des États-Unis a choisi: Pleins pouvoirs à un Président climatosceptique soutenu par la chambre des représentants (c’est à présent officiel), le sénat, et une cour suprême favorable.

Les USA, 2ème émetteur mondial de gaz à effet de serre, tournent le dos pour 4 ans à la lutte contre le réchauffement climatique en prévoyant :

Or ces 4 ans à venir sont cruciaux pour la décarbonation mondiale: Le Global Carbon Budget a livré à l’ouverture de la COP 29 son rapport annuel 2024 dont il ressort que

  • Les émissions de CO2 ont encore augmenté de 2% en 2024,
  • Pour respecter l’accord de Paris, il reste un budget d’émissions anthropiques maximal correspondant à 6 fois les émissions de 2024 pour atteindre 1.5°C maximum, 14 fois les émissions de 2024 pour atteindre 1.7°C maximum, 27 fois les émissions de 2024 pour atteindre 2°C maximum.

Les conséquences de ce désengagement américain seront lourdes aux niveaux domestique et international:

  • Non respect de leur trajectoire alignée avec les exigences du Net zéro: Le chiffrage de Carbon Brief en 2023 annonce 4 milliards de tonnes d’émissions de GES supplémentaires en 2030 en comparaison de la politique annoncée par Donald Trump (https://www.carbonbrief.org/analysis-trump-election-win-could-add-4bn-tonnes-to-us-emissions-by-2030/),
  • Perte de la dynamique pour le Climat que le partenariat avec la Chine pouvait entrainer au niveau mondial,
  • Moins d’influence sur les pays susceptibles de déclencher des initiatives critiques pour le Climat avec leur aide (Just Energy Transition Partnership notamment).

Quelques atténuations de ce risque subsistent, à la portée incertaine:

  • La large autonomie des États américains. Les États démocrates gardent les moyens de développer des stratégies ambitieuses de décarbonation hors IRA,
  • Plusieurs états républicains sont convaincus des vertus de la loi IRA, ayant bénéficié de création de centaines de milliers d’emplois. 105 des 123 milliards de USD de projets subvensionnés par l’IRA ont bénéficié à des districts républicains. 18 élus républicains ont écrit à leur speaker Mike Johnson pour préserver cette loi qu’ils n’ont pas votée…
  • Les recours en justice pourraient s’accumuler pour préserver les intérêts actuels et futurs tant économiques que climatiques.

Cet accident historique sur la trajectoire mondiale de transition vers un monde décarboné sonne comme un rappel de plusieurs réalités stratégiques:

1- Notre ADN d’homo sapiens reste le plus fort :

Les électeurs américains ont privilégié

  • Le pouvoir d’achat (impacté par l’après COVID et l’invasion de l’Ukraine),
  • L’immigration,
  • Le droit à l’avortement.

Comme en Europe, à l’occasion des dernières élections, l’urgence d’investir maintenant pour protéger le climat futur a été déclassée.

Quelles que soient les géographies et les périodes, notre ADN fait que

  • survivre à court terme l’emportera le plus souvent sur préparer l’avenir, alors que le présent est largement le fruit de stratégies passées gagnantes ou perdantes. Les dommages prévisibles des futurs événements climatiques extrêmes arriveront surtout aux autres…
  • La xénophobie est le complément inévitable de la xénophilie, alors que le monde moderne est la démonstration qu’il y a plus à gagner dans la coopération que dans l’affrontement.

Que cela nous plaise ou non, la préservation du climat se confrontera durablement à ces réflexes d’homo sapiens.

Pour gagner la bataille du Climat, il faut donc la concilier avec la durabilité économique tant pour les entreprises que pour les agriculteurs et les ménages. C’est sans doute cette conviction qui distingue le plus notre ONG de ses consœurs.

2- Les réseaux sociaux affaiblissent notre capacité de réaction :

Mal maîtrisés, ils ne cessent de démontrer leur capacité de nuisance en

  • Cultivant le doute par la propagation de fake news – dont la circulation n’est pas interdite aux USA. Le flou entre vérité et mensonge crée et entretient le doute, ce qui favorise le climatoscepticisme
  • Renforçant la polarisation par l’impact clivant de leurs algorithmes. Le fossé relationnel s’élargit systématiquement – démocrates vs républicains, partisans vs opposants au Brexit, en rendant la société de plus en plus violente. Cela réduit les terrains d’entente objectifs comme le réchauffement climatique d’origine humaine.

D’où les réactions de nombreux États dont la France qui se saisissent du risque et réagissent en les bloquant temporairement.

L’Europe devrait en tirer les conséquences à travers une révision des principes directeurs du Digital Services Act, défendu trop innocemment par la Commission européenne!

Quelles perspectives après ce coup d’arrêt critique pour le Climat?

L’humanité a, jusqu’à ce jour, parfaitement maîtrisé ses risques majeurs qu’étaient encore il y a un siècle:

  • La maladie, grâce à la R&D médicale,
  • La famine avec la R&D agricole,
  • La guerre avec la R&D militaire qui a permis cet équilibre de la terreur nucléaire, préventif.

Mais aucun de ces défis n’incluait de délai maximum de résolution.

Le compte à rebours a commencé pour notre lutte contre le réchauffement climatique. Les émissions anthropiques doivent tendre vers 0 d’ici 2050 avec une vitesse compatible avec les rappels du Global Carbon Budget ci-dessus.

Le GIEC a multiplement répété l’importance de l’engagement national et des coopérations interrégionales. Le train des nations a impérativement besoin d’accélérer.