En ligne avec le Global Carbon Project dans son rapport annuel 2024 (cf notre article du 19/11), le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a révélé dans son analyse du 24/10/2024, en amont de la COP 29, que les nations doivent impérativement
- S’engager collectivement à réduire les émissions annuelles de gaz à effet de serre de 42 % d’ici 2030 et de 57 % d’ici 2035 dans la prochaine série de Contributions Déterminées au niveau National (CDN) – et
- Soutenir ces engagements par des actions rapides,
- faute de quoi l’objectif de 1,5 °C de l’Accord de Paris deviendra hors d’atteinte dans quelques années.
Notre retard dans l’action exige que les émissions soient réduites de 7,5 % par an jusqu’en 2035 pour atteindre l’objectif de 1,5 °C.
« Même si le monde dépasse les 1,5 °C – et les chances que cela se produise augmentent chaque jour – nous devons continuer à aspirer à un monde neutre en carbone, durable et prospère. Chaque fraction de degré évitée compte en termes de vies sauvées, d’économies protégées, de dommages évités, de biodiversité préservée et de capacité à ramener rapidement toute augmentation de température en dessous des seuils critiques. »
Le PNUE recommande dans son rapport que les discussions lors de la COP29 à Bakou soient utilisées pour intensifier les actions en vue de CDN renforcées, à présenter début 2025 et à examiner lors de la COP30 au Brésil.
Des trajectoires d’émissions encore mal maitrisées
Les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau record de 57,1 GtCO2e en 2023, en augmentation de 1,3 % par rapport à 2022, avec de grandes disparités entre les émissions actuelles, par habitant et historiques, des principaux émetteurs et des régions du monde.
Aux USA et en Russie, les émissions moyennes par habitant sont environ trois fois plus élevées que la moyenne mondiale de 6,6 tCO2e. Inversement elles restent nettement inférieures à cette moyenne dans l’Union africaine, en Inde et dans les pays les moins avancés.
Les dynamiques engagées par les principaux émetteurs présentent également de grandes disparités : Des émissions en réduction insuffisante aux États-Unis et en Europe, plus que compensées par des augmentations en Chine et en Inde.
Des ambitions en deçà des objectifs de l’Accord de Paris
Le niveau d’ambition et d’action des contributions nationales déterminées (CDN) n’est toujours pas sur la bonne voie pour honorer les engagements globaux de réduction des émissions pour 2030 et 2035.
Malgré les demandes des trois dernières COP de renforcer davantage les objectifs pour 2030, un seul pays avait en octobre renforcé son objectif depuis la COP28.
Tout récemment, Keir Starmer, nouveau Premier ministre du Royaume Uni a pris une initiative remarquée, en annonçant en ouverture de la COP 29 des objectifs renforcés : ambition de réduire les émissions de 81 % d’ici 2035, par rapport aux niveaux de 1990, contre 68% d’ici 2030 précédemment (voir notre article du 17 novembre sur ce blog). Lors de cette COP 29, le Brésil a également annoncé un nouvel objectif de réduction des émissions de GES de 67% en 2025 par rapport à 2005, complété d’un engagement du gouvernement brésilien de parvenir à une déforestation zéro.
Selon les politiques actuelles, les émissions mondiales en 2030 devraient atteindre 57 GtCO2e, soit
- légèrement plus que l’évaluation de l’année dernière,
- environ 2 GtCO2e au-dessus des CDN inconditionnelle
- 5 GtCO2e au-dessus des CDN conditionnelles (tableau ES.2).
- L’écart entre les politiques actuelles et les CDN nécessaires pour 2030 reste similaire à celui de l’année dernière.
Des points d’encouragement sont toutefois à relever : dans un contexte mondial de hausse des émissions, plusieurs pays ont dépassé leur pic, parfois de façon sensible, et même obtenu des réductions autour de 40%. Ce qui démontre la faisabilité de trajectoires de décarbonation si l’on s’en donne vraiment les moyens.
De même, certains pays, trop peu nombreux, ont engagé des initiatives qui devraient les amener à des réductions d’émissions allant au-delà des engagements pris dans le cadre des NDC « inconditionnelles » (non conditionnées à des mesures de soutien et de coopération).
Néanmoins, les trajectoires d’émissions des membres du G20 suscitent des inquiétudes. En effet,
- Le pic des émissions est une condition préalable pour atteindre la neutralité carbone. Or, 7 membres du G20 n’ont pas encore atteint ce pic (Chine, Inde, Indonésie, Mexique, Arabie Saoudite, Corée du Sud et Turquie). Ces pays doivent accélérer leurs efforts pour atteindre un pic d’émissions plus tôt et à un niveau plus bas, suivi de réductions rapides.
- Tous les pays doivent progresser plus rapidement vers la cible de neutralité carbone à horizon 2050.
L’écart entre engagements d’émissions des CDN inconditionnelles et le niveau souhaitable pour respecter le 1,5°C est de 22 Gt en 2030 et de 29 Gt en 2035!
Si les CDN inconditionnelles et conditionnelles actuelles sont pleinement mises en œuvre, les émissions devraient diminuer de 4 % et 10 % respectivement d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 2019. Or des réductions de 28 % et 42 % sont nécessaires pour aligner les émissions sur les objectifs de 2 °C et 1,5 °C.
En l’absence d’actions immédiates renforcées, la baisse d’émissions nécessaire pour limiter le réchauffement doublera entre 2030 et 2035, passant à 8 % pour 2 °C et 15 % pour 1,5 °C. Accélérer les efforts dès 2024 réduirait la pression sur les objectifs de long terme et limiterait la dépendance à des réductions irréalistes à l’avenir.
Plus le temps passe avec des efforts moindres que nécessaires et plus se réduit la faisabilité de combler l’écart.
Ainsi, dans le cas de la seule mise en œuvre des NDC non conditionnelles, la probabilité de dépasser le 1,5°C atteint dès maintenant 100%, celle de dépasser 2° atteint 94% et celle de dépasser 3° atteint même déjà 22%.
Seules la mise en œuvre des NDC conditionnelles complétées des engagements net zéro permettraient de conserver une faible probabilité de 23 % de limiter le réchauffement à 1,5°C.
L’ampleur du défi est historique.
En parallèle, de nombreuses opportunités existent pour accélérer les actions d’atténuation. Les progrès technologiques, notamment dans les énergies éolienne et solaire, continuent de dépasser les attentes, réduisant les coûts de déploiement et stimulant l’expansion de leur marché.
Le potentiel de réduction des émissions technico-économique, basé sur les technologies existantes et à un coût inférieur à 200 dollars par tonne d’équivalent CO2 (tCO2e), reste suffisant pour combler l’écart d’émissions d’ici 2030 et 2035. Mais cela nécessitera de surmonter des obstacles politiques, de gouvernance, institutionnels et techniques considérables, ainsi qu’une augmentation sans précédent du soutien fourni aux pays en développement, accompagnée d’une refonte de l’architecture financière internationale.
Les prochaines CDN offrent une occasion cruciale pour renforcer les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris.
En respectant ces recommandations, les pays pourront soumettre d’ici le 10/02/2025 et bien avant la COP 30 au Brésil des CDN qui soient ambitieuses, transparentes et alignées sur les dernières données scientifiques, tout en tenant compte des réalités et besoins nationaux.
Savourons à ce titre les annonces de la COP29 qui a vu plusieurs pays du G20 – l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Canada et le Brésil – indiquer clairement qu’ils prévoient d’intensifier l’action climatique dans leurs CDN 3.0. Le Mexique, 13e émetteur mondial, a promis de viser le Net Zéro pour 2050, alors que ses objectifs ne concernent actuellement que 2030. Les Émirats Arabes Unis, le Chili, La Norvège et la Suisse ont également annoncé la décision d’amplifier leurs efforts.
Les actes parleront.