Suite à la publication du Palmarès des Trajectoires Climat des entreprises du CAC40, nous revenons plus en détail sur les différents critères qui ont permis cette évaluation, et sur les bonnes pratiques que nous avons relevées au cours de notre étude. Il s’agit ici d’illustrer par des exemples concrets ce que les entreprises les plus avancées ont pu mettre en place, et que cela devienne ainsi inspirant pour d’autres. 

Cet article est le premier d’une série de 3, qui aborderont successivement les thématiques du Vouloir Faire (engagements 2030 et 2050), Savoir Faire (Plan d’Actions et Gouvernance), et Pouvoir Faire (Financement) 

 

Le préalable indispensable : Vouloir Faire 

Sans engagement, point de salut. Afficher une volonté, c’est bien. Mais publier des chiffres, c’est mieux. Notre palmarès 2024 s’est basé sur les DEU 2023 (Document d’Enregistrement Universel ou Rapport d’Activités) publié dans le courant du 1er semestre 2024, soit juste après l’entrée en vigueur de la CSRD. Pour autant, nous avons pu constater que toutes les entreprises du CAC40 avaient déjà d’ores et déjà publié des engagements chiffrés. Oui mais lesquels ? Le diable est dans le détail, et une analyse plus poussée de ce que veulent dire ces chiffres permet de qualifier le véritable niveau d’engagement. 

Un engagement nécessaire sur l’ensemble des scopes 1, 2 & 3 

Le 1er attendu est que l’engagement porte sur l’ensemble de l’empreinte carbone d’une entreprise, c’est-à-dire sur ses 3 scopes (voir en fin d’article le rappel de la définition des scopes 1, 2 & 3 amont et aval). A ce titre, il est important de noter que très souvent, le scope 3 représente l’essentiel des émissions de CO2e. Pour les entreprises du CAC40, 68% d’entre elles ont un scope 3 qui représente plus de 75% de l’empreinte carbone. Et pour la moitié d’entre elles, c’est même plus de 90% de l’empreinte carbone ! En fait, seules quelques entreprises dont l’activité propre est très énergivore ont un scope 3 peu contributif en proportion, par exemple ArcelorMittal ou encore Air France. 

Trop d’entreprises limitent encore leur engagement aux scopes 1&2. En effet, ce sont les domaines sur lesquels l’entreprise a le plus de contrôle, donc c’est toujours un bon début. Mais ne s’engager à n’agir que sur quelques % de son empreinte manque cruellement d’ambition. 12 groupes ne l’ont pas encore pris, gageons que cela sera très prochainement corrigé puisque cela est nécessaire pour répondre aux exigences de la CSRD  

Toutefois, la majorité des entreprises intègrent au moins partiellement le scope 3 amont dans leur engagement. Cela représente 84% des entreprises du CAC40 :  

  • Pour le secteur des services, le scope 3 amont provient généralement des déplacements professionnels ou domicile-travail, ainsi que des actifs immobiliers. Dans cette situation, on comprend ainsi que l’entreprise possède un moyen d’action direct sur la réduction de ses émissions. 
  • Pour les secteurs de l’Industrie, de la Grande Distribution et du Luxe en revanche, il s’agit très majoritairement de l’empreinte carbone des fournisseurs. Et pour ces 2 derniers secteurs, cela va jusqu’à représenter 90% de l’empreinte totale ! Dans cette situation, les leviers d’action sont moins directs et vont souvent se heurter à des priorités de sourcing basées sur le prix, et le respect de cet engagement constituera ainsi un fort point de vigilance. 

Enfin, 71% des entreprises intègrent le scope 3 Aval dans leur objectif, alors qu’il est souvent le plus difficile à décarboner puisqu’il s’agit de réduire à la source les émissions générées par leurs produits.  Nous reviendrons en détail sur cet aspect dans un prochain article, mais citons à titre d’exemple Schneider Electric, Thales, Unibail Rodamco Westfield ou encore Vinci qui ont pris cet engagement. 

Un engagement nécessaire en valeur absolue 

Au sein des entreprises, la décarbonation reste encore généralement en compétition avec la croissance. C’est ainsi que trop souvent, les engagements pris sont en intensité carbone (réduction de l’empreinte carbone par produit vendu). Ainsi, une entreprise qui décarbonerait son produit de 30% tout en prévoyant une hausse de son marché au moins d’autant se retrouverait en 2030… à émettre exactement la même quantité de CO2 voire plus ! On relève cette mécanique peu vertueuse dans quasiment tout le secteur du Transport (Aéronautique, Automobile, Ferroviaire) sauf pour Thalès dont il faut souligner l’engagement de réduction de 15% de ses émissions totales en absolu pour 2030. Le secteur du Luxe est dans la même situation, où la culture de l’hyper-croissance du chiffre d’affaires se heurte généralement aux objectifs de réduction et où aucun des grands noms du Luxe ne s’engage bien malheureusement sur une baisse en absolu. 

Une trajectoire compatible avec les Accords de Paris 

Pour cette édition 2024, les Ateliers du Futur introduisent une condition supplémentaire et cruciale d’alignement avec l’objectifs des Accords de Paris (a minima « Well below 2°C »). En effet, alors que jusqu’à présent nous soulignions une prise d’engagement qualitative, il est désormais impératif à 5 ans du point de passage 2030 de considérer l’objectif quantitativement pour qu’il soit à la hauteur des réductions nécessaires et tel qu’exigé par la CSRD. La mission des Ateliers du Futur n’étant pas de juger de la pertinence des stratégies de décarbonation ni de la méthodologie, nous nous appuyons pour cela sur une validation par SBTi ou par un alignement avec des objectifs sectoriels, et ne jugeons ainsi que de l’impact attendu par l’entreprise. 

Ainsi 14 entreprises, soit un tiers seulement du CAC40, ont une ambition à la hauteur des enjeux climatiques. Il est intéressant de noter que 87% des entreprises qui ont fixées des objectifs en absolu sont de fait alignées avec les accords de Paris, ce qui souligne une nouvelle fois l’importance que les objectifs de décarbonation soient exprimés en valeur absolue. 

2050 : le Net Zero Carbon 

Conformément aux accords de Paris, c’est le seul engagement possible pour une entreprise qui déciderait de se définir une trajectoire complète de décarbonation. Et assez logiquement, il est massivement pris par les entreprises du CAC40 (à 87%) qui peuvent difficilement faire l’impasse dessus. 5 groupes ne l’avaient pas encore pris, gageons que cela sera très prochainement corrigé. 

Toutefois, certaines entreprises ont décidé de se fixer un objectif plus ambitieux en anticipant cet horizon 2050 de quelques années. Ainsi Publicis, Orange et CapGemini visent 2040 pour leur Net Zero Carbon, et Sanofi et ENGIE 2045. Citons enfin Stellantis qui a pour ambition 2038, leur objectif n’étant toutefois pas encore validé SBTI. 

 

Dans notre prochain article, nous nous intéresserons plus en détail à la mise en œuvre opérationnelle de ces engagements : le Savoir Faire